LES DIX COMMANDEMENTS

Titre hébreu : Les Dix Paroles. (Exode 20. 1-17)

Contenu.

Selon la tradition, les Dix Commandements furent reçus par Moïse, sur le Mont Sinaï, lorsque Dieu fit alliance avec lui. Je vais tous les analyser, les uns après les autres, et le lecteur - s'il me connaît - sait déjà qu'une autre interprétation que celle de l'Eglise est possible. Il suffit pour cela d'accepter un principe simple.

Tout ce que nous avons compris sur le plan extérieur peut être compris sur le plan intérieur.

En effet, si Dieu existe, et s'il parle réellement à l'homme dans la Bible, ce qu'il lui demande doit être accompli dans son âme (=dans son monde intérieur), et pas seulement, à travers sa relation aux autres, dans le monde extérieur. Si on applique cette clé, un autre sens apparaît, qui répond aux demandes exprimées par notre société moderne, car il permet l'émergence des valeurs fondamentales de l'humanité. J'ajoute tout de suite que, si nous accédons à cet autre sens, plus intime, plus profond, plus authentique, nous appliquerons sans effort la projection de ce nouvel état sur le plan extérieur... et nous cesserons de violer tous ces commandements. Les voici tous, une fois traduits.

Chaque être humain est au centre de ces commandements, dans lesquels tout ce qui nous importe est abordé : la philosophie, la spiritualité, la famille, les relations - et la connaissance de notre dualité intérieure, afin de pouvoir faire la différence entre notre âme et notre ego.

Le contexte.

Le Décalogue (=Les Dix Paroles) se trouve pour la première fois dans le livre de l'Exode, au début du chapitre 20. Le lecteur pourra cliquer sur tous les mots ayant une valeur symbolique, dont le sens se trouve déjà dans le Lexique.

"L'Eternel dit à Moïse : Voici, je viendrai vers toi dans une épaisse nuée, afin que le peuple entende quand je te parlerai, et qu'il ait toujours confiance en toi."

Ce verset 9, chapitre 19, annonce le discours divin. Il en précise le lieu (l'épaisse nuée), ses deux destinataires (le peuple et Moïse) et son but (la confiance du peuple en Moïse). Déjà, au premier degré, un problème apparaît : Le peuple ne peut pas entendre en même temps que Moïse, ce que la suite confirmera, puisque Moïse recevra le discours, seul sur le mont Sinaï. Du strict point de vue de l'explication de texte, il y a là une incohérence, qui serait soulignée par n'importe quel professeur de français, dans la copie de son élève. Ce qui montre que, dès qu'il s'agit des Ecritures Sacrées, nous perdons tout sens critique, comme si on n'osait pas les traiter de la même façon que les textes ordinaires. Nous avons tort, car c'est précisément ce qui nous empêche d'accéder à leur véritable sens.

Le plan extérieur ne fonctionnant pas, puisque c'est impossible, on doit comprendre ce verset sur le plan intérieur. Pour cela, il faut appliquer la valeur symbolique des mots.

Immédiatement, tout change.

En effet, le peuple et Moïse entendront ensemble la voix divine, si le peuple et Moïse sont la même personne. Le peuple est un symbole de l'âme qu'on trouve dans toutes les Ecritures, quelles que soient leurs origines. Quant à la nuée (le nuage), elle symbolise le rêve, chargé de l'eau de l'inconscient, qui arrose la terre du conscient, qui peut s'évaporer parfois dès le réveil, et d'autres fois, apparaître chargé d'orage, comme certains cauchemars. Du reste, on sait que le rêve a toujours été ressenti comme un message de Dieu, dans toutes les civilisations. Simplement, on a toujours cru qu'il annonçait l'avenir, alors qu'il se contente d'informer le rêveur sur son propre état intérieur, afin qu'il puisse faire le tri entre son âme humaine et son ego animal. Grâce à la compréhension de ses rêves, le rêveur se fait effectivement de plus en plus confiance. C'est exactement ce qui est dit dans ce verset.

Moïse, il va sans dire, est un être humain, générique de tous les autres, et dont l'expérience ne peut réellement nous servir que si nous comprenons que nous devons la vivre aussi - et non pas y croire bêtement, en entérinant ce qu'il a dit de l'extérieur, sans le mettre à l'épreuve de notre propre coeur. Je fais personnellement l'hypothèse qu'une Parole véritablement divine doit susciter l'adhésion de tout le monde, sans exception. Toutes les religions sont fondées sur des Ecritures dont les adeptes s'opposent, et vont parfois jusqu'à s'entre-tuer. C'est pourquoi tant de gens s'en détournent. Cela ne veut pas dire que Dieu n'existe pas (surtout si Dieu est tout simplement notre âme), mais cela pourrait bien signifier que nous ne comprenons pas le sens véritable de ces Ecritures.

Autrement dit, ce discours s'adresse à chacun d'entre nous, et nous demande de nous mettre à l'écoute de nos rêves, ce qui nous permettrait d'avoir enfin des oreilles pour entendre, et de gagner la confiance en nous-mêmes qui nous manque tant. On peut aussi souligner qu'en français, le pronom personnel 'Moi' se trouve dans le nom propre Moïse. Une spiritualité authentique ne peut être fondée sur la 'croyance' intellectuelle. Elle doit obligatoirement passer par l'expérience personnelle du fidèle. Le ressenti change tout, et le mieux-être peut s'installer sur la 'croyance' en soi.

Versets 1 et 2 du chapitre 20 de l'Exode:

"Alors Dieu prononça toutes ces paroles en disant : Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude."

On remarque d'abord la lourde insistance sur le langage (prononcer, paroles et dire). La parole est spécifique à l'humanité. Et c'est cette humanité qui nous rend semblables à Dieu, grâce à cette parole. Or, Celui qui parle se présente dans le texte comme étant Dieu. Mais pas n'importe quel Dieu. Il y ajoute une précision essentielle :

'Celui qui t'a fait sortir de la maison de servitude.'

Si on utilise les outils de l'explication de texte, on voit bien qu'il y a là une intention. Dieu est celui qui libère l'homme. Il n'est pas celui qui l'enferme dans la servitude. C'est dit ici, clairement. Mais nous n'en avons jamais tenu compte, même quand les obligations et les interdits qui nous sont donnés nous paraissent comme autant de carcans qui nous enferment.

Bien entendu, pour faire cette interprétation, il faut quitter le plan historique extérieur, pour entrer dans le psychisme humain. Je crois savoir qu'une mise en esclavage du peuple hébreu par l'Egypte n'a jamais été entérinée par les découvertes archéologiques. De plus, tout le monde affirme volontiers que la Bible contient de nombreux textes dont l'explication ne peut être que symbolique. Pourquoi ce texte-là n'en ferait-il pas partie ? Je pense personnellement que tous doivent être lus au second degré, même s'il y a aussi une racine historique, ne serait-ce qu'à travers les lieux et l'époque.

La lettre tue, seul l'esprit vivifie.

Le premier commandement.

v. 3 : "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face."

Les dieux que l'homme vénère, dans la plus parfaite inconscience (en croyant sincèrement être dans une relation vraie à Dieu), sont les parents (les géniteurs) et l'ego.

Question 1 : Comment est-il possible de confondre Dieu avec son géniteur ?

Les raisons sont toutes liées à une relation non terminée avec les géniteurs. Par exemple, si on a été abandonné, ou si les parents terrestres sont décédés trop tôt, le manque est si profond que le jeune adulte peut ne jamais dépasser cette absence, ce qui bloque son évolution, et le coupe de lui-même. Il peut même projeter sur le Christ ou sur la Vierge Marie son besoin dévorant d'un père idéal ou d'une mère parfaite, par simple compensation.

Il est probable que ce fut le cas de Sainte Thérèse de Lisieux, cette petite jeune fille, qui perdit sa mère à 4 ans, idéalisa manifestement son père, et entra au Carmel pour y trouver une mère de remplacement (la mère supérieure). Il suffit de lire ses mémoires pour voir à quel point son discours est enfantin et touchant. Mais c'est une petite fille qui parle, en aucun cas ce n'est une 'sainte', dans le sens prôné par l'Eglise, c-à-d un modèle pour l'humanité. Bernadette Soubiroux relève de la même projection, mais cette fois, c'était pour compenser une mère froide et rude. Ses visions révélaient simplement son intense besoin d'une vraie maman, chaleureuse et aimante.

On peut supposer que beaucoup de vocations religieuses sont fondées sur cette confusion, ainsi que le recrutement dans les multiples sectes actuelles. Le gourou va tenir le rôle du père ou de la mère, et toutes les perversions deviennent alors possibles, car l'exploitation de l'adepte (pouvoir, sexe et argent) sera légitimée par l'ego du maître, relayé par celui du disciple. Et cela sera d'autant plus facile que celui-ci garde en lui un petit enfant crédule et candide.

Question 2 : Comment est-il possible de confondre Dieu avec son ego ?

Rien n'est plus facile : il suffit de lire les Ecritures au premier degré. Tout ce qui nous est demandé concerne notre âme et notre monde intérieur. Si on l'applique au corps et au monde extérieur, l'ego est à son affaire, car tous les rituels sont des symboles, et les appliquer à la lettre ne change rien à la condition intérieure de l'être humain. Mais comme on ne sait pas faire autrement, on continue à s'agenouiller, à réciter, à implorer, en espérant être entendu. L'ego n'est jamais aussi dangereux que quand il fait le bon apôtre... Je tiens à préciser que, si le disciple risque d'être la victime de son gourou, tous les gourous, même et surtout s'ils sont sincères, sont la première victime de leur propre ego. J'ajoute qu'on reconnaît qu'un 'maître spirituel' est possédé par son ego, lorsqu'il dirige son disciple, en le persuadant qu'il sait mieux que lui ce qui lui convient. Dans ce cas-là, il voudra toujours avoir raison et ne se remettra jamais en cause. C'est un signe qui ne trompe pas.

Ceci dit, il est intéressant de comprendre "devant ma face". Qu'est-ce que cela veut dire ? Chouraki, traducteur de la Bible en mot à mot, écrit : "contre mes faces". La préposition 'contre' parle déjà d'opposition. La face - au pluriel, pourrait symboliser les différents visages de Dieu, selon le pays, la croyance et la langue de l'être humain, quels qu'ils soient. Mais il pourrait aussi faire référence à son propre visage, humain, identitaire, spécifique à chacun d'entre nous. Car nous sommes tous innombrables, et tous nous avons en nous cette instance divine, que nous appelons notre âme, sans jamais avoir fait le rapprochement entre elle et ce Dieu que nombre d'entre nous appellent et supplient parfois sans grand résultat, durant toute leur vie...

Ce premier commandement pourrait donc signifier que l'homme ne doit pas 'avoir' d'autre dieu que sa propre âme, à l'exclusion du pouvoir de tout autre être humain extérieur, et de son propre ego ennemi, qui veut le diriger de l'intérieur, et le pousse toujours à faire confiance à l'autre, plutôt qu'à lui-même.

Le deuxième commandement.

v. 4. "Tu ne feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre."

Je rappelle la valeur symbolique du ciel (=l'âme), de la terre (=le conscient) et de l'eau (=l'inconscient). Il devient alors évident que toute représentation de ces trois éléments psychiques devient une projection extérieure, qui empêche l'homme de travailler sur lui-même, qui le pousse à adorer cette projection, et lui interdit du coup de se comprendre et de se référer à lui-même pour se faire confiance. Ce qui revient à dire que, si l'homme projette dehors ce qui est en lui, il va adorer la projection, et s'oublier lui-même. C'est cela qui va le couper de son Dieu intérieur, sa propre âme.

Note. La terre peut aussi symboliser la mère, ou le corps. Ici, étant donné le contexte, il s'agit très probablement du conscient, opposé à l'inconscient. J'ajoute que l'eau est souvent 'matricielle' dans les rêves. Ce verset s'adresse visiblement à l'être humain adulte, et demandeur de connaissance de soi. Toutefois, pour mener à bien ce qu'on appelle 'une recherche spirituelle', il est nécessaire de se libérer du pouvoir parental, en devenant pleinement adulte. Le verset suivant montre que la confusion est possible...

v. 5. "Tu ne te prosterneras point devant elles (les images ou les sculptures) et tu ne les serviras point."

Vouer une adoration à ses parents, c'est se soumettre à leur autorité, et donc se couper de son autonomie propre, liée à son identité psychique. Obéir à un maître spirituel extérieur est tout aussi néfaste, car cela coupe l'individu de son véritable maître, son âme. Se prosterner devant une représentation matérielle de son âme (=projection de Dieu, de sa zone consciente ou de sa zone inconsciente, spécifiques de notre humanité), c'est évidemment se soumettre à l'autorité de l'ego, qui nous fait croire que ces représentations extérieures suffisent à notre ferveur religieuse. Le verset 5 nous met en garde contre ces trois erreurs (qui sont pourtant universelles).

v. 6. "Car moi, l'Eternel, je suis un Dieu jaloux qui punis l'iniquité des pères sur leurs enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements."

Je remarque d'abord que l'Eglise n'a jamais mis en avant cette condamnation de l'iniquité des pères sur leurs enfants, alors qu'elle a beaucoup insisté sur le respect que les enfants doivent à leurs parents. Il était important de le dire. Les parents aussi doivent respecter leurs enfants, on commence à l'admettre aujourd'hui, parce que leurs abus de pouvoir sont enfin portés sur la place publique, et condamnés, dans notre société moderne.

Il faut bien comprendre aussi que l'ego n'est pas un créatif. Il ne sait que reproduire ce qu'il a vu fonctionner dès l'enfance. Lorsque les parents sont indignes, il va répéter leurs exactions 'contre' le sujet lui-même, c'est-à-dire 'contre' sa véritable identité (cf contre mes faces). C'est pourquoi le père peut représenter l'ego. Dans ce cadre-là, les enfants symbolisent l'âme elle-même, martyrisée par le géniteur dehors, et l'ego dedans. On ne peut pas être heureux lorsqu'on piétine autrui. L'être humain qui se conduit ainsi est forcément identifié à son ego, lui donnant ainsi le pouvoir. L'être humain en question y perd sa part d'humanité (=son âme). Chouraki parle non pas d'un Dieu 'jaloux', mais 'ardent'. Ce mot évoque le feu, capable de détruire l'ego, et de réchauffer l'âme.

La plupart des religions cherchent à persuader leurs fidèles que les intérêts de Dieu sont compatibles avec la destruction ou l'exclusion d'une partie de l'humanité. C'est une erreur fondamentale et tragique, si tous les hommes sont dépositaires d'une part divine, qui est justement leur part d'humanité. Se conduire de façon inhumaine avec quelqu'un est donc la négation même de Dieu, et la victoire de l'ego (=le diable), ce dont toutes les religions se sont pourtant rendues coupables. Il est très facile de comprendre pourquoi : Dieu étant la priorité, l'homme va passer après Lui, et ses intérêts ne seront pas pris en compte, puisque seuls, comptent les intérêts divins. Cela explique pourquoi toutes les religions manquent généralement d'humanité (croisades, bûchers de l'Inquisition, guerres, fatwa, djihad et prosélytisme en tous genres).

C'est une terrible confusion, si réellement Dieu est notre part d'humanité. Car dans ce cas, croire en Dieu, c'est croire en l'homme, c'est l'aimer et le respecter. À ce moment-là, la miséricorde divine pourra toucher toute notre humanité, parce que l'ego de chacun d'entre nous aura été identifié comme étant le seul véritable ennemi, le seul que nous devons combattre et éliminer.

Autrement dit : Ne vénère ni quelqu'un dehors, ni l'ego dedans, à travers tes projections inconscientes. Ne trahis pas ta propre âme divine, car elle seule est capable de punir l'ego, et de te diriger en te donnant l'amour dont tu as besoin.

Je rappelle que le quelqu'un dehors peut être un des parents, certes, mais aussi un conjoint, un enfant, un gourou, ou toute autre personne ayant un pouvoir sur le sujet. Il s'agit donc simplement de ne pas se trahir soi-même, et de s'aimer suffisamment pour éviter cela.

Attention. Cela ne veut pas dire que les grands maîtres spirituels se soient trompés dans leur démarche. Cela veut dire que leur démarche n'était valable que pour eux, et absolument pas applicable à autrui. On remarque d'ailleurs que la plupart du temps, ce sont leurs disciples qui ont créé les religions découlant de leur expérience personnelle. Car l'ego pousse l'individu à se plier à un enseignement extérieur, justement parce qu'il est incapable de créativité, comme je l'ai dit un peu plus haut. Il ne peut que reproduire. En l'écoutant, l'homme s'interdit de réfléchir par lui-même, doute de son ressenti et de sa propre expérience, au profit de l'expérience d'un autre, qui ne lui convient pas forcément.

C'est pourquoi toutes les religions ont finalement eu des résultats mitigés, pour ne pas dire désastreux. Chaque être humain doit faire confiance à sa propre âme, dont Dieu est un symbole universel. Ce maître intérieur-là, l'ego le projette systématiquement sur un maître extérieur, et le tour est joué. Le sujet est coupé de lui-même, et va suivre un enseignement qui ne peut le conduire qu'à la séparation, la déception et parfois le désespoir.

La séparation est intérieure, certes, mais encore plus visiblement extérieure, puisque toutes les religions se diabolisent mutuellement. Chaque fidèle est donc séparé de toute une partie de l'humanité, ce qui est terrible si chacun est le dépositaire de cette âme-Dieu qui nous rend tous frères sur ce plan-là.

La déception est vive pour les plus exigeants, car le mieux-être promis peut être atteint ponctuellement, mais est rarement un état durable.

Le désespoir atteint hélas souvent les fidèles de toutes les religions (et sectes), lorsqu'ils sont touchés par des épreuves dramatiques. Certains y perdent la foi, mais la plupart d'entre eux acceptent cette fatalité, persuadés que le bonheur sur terre est impossible. Cette certitude est la plus pernicieuse... Le Dieu qui nous parle ici nous dit exactement le contraire.

Le troisième commandement.

v. 7. "Tu ne prendras point le nom de l'Eternel, ton Dieu, en vain ; car l'Eternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain."

L'Eglise a admis que cela inclut "outre le parjure et le faux témoignage, l'usage magique du nom divin" (Note de la Bible de Jérusalem). Cela me paraît nettement insuffisant, et pire encore, dangereux, pour une raison simple: Qui va décider que cet usage est magique? Les bûchers de l'Inquisition avaient ici - partiellement - leur raison d'être. Dans l'esprit du grand public, cela se limite souvent à ne pas 'jurer' par le nom de Dieu.

'En vain' est aussi parfois traduit par 'à tort' ou 'à faux'. Le Rabbin Zadoc Kahn parle de mensonge. Et d'après Chouraki, le verset dit 'Tu ne porteras pas ce nom'. Plus que jamais, le plan intérieur est indispensable pour la compréhension de ce texte. Il suffit de garder à l'esprit une seconde règle, applicable tout au long du Décalogue, mais aussi dans toutes les Ecritures Sacrées.

Règle 1. Tous ces versets parlent de notre monde intérieur.

Règle 2. Dans ce monde intérieur, Dieu s'adresse tantôt à l'homme global, tantôt à son âme, et tantôt à son ego.

Car nous sommes tous deux à l'intérieur = Notre véritable identité humaine (l'âme) + notre fausse identité, animale, dangereuse et tyrannique (l'ego).

Le verset 7 s'adresserait donc à notre ego, et lui interdit de parler au nom de notre âme. Effectivement, dans ce cas, l'homme, s'il écoute son ego, est dans le mensonge, le faux témoignage, le parjure et la fausse identité. Il faut répéter que cette âme immortelle, d'essence divine, est en dernière analyse Dieu lui-même, à l'intérieur de chaque être humain. C'est pourquoi il est si important de comprendre ce verset. Lorsque l'ego usurpe notre véritable identité, il nous fait croire qu'il est Dieu lui-même. Ce commandement prend alors tout son sens, parce qu'il est basé sur la valeur du nom, dont la symbolique est toujours identitaire, quelle que soit la formule. "Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit", par exemple, parle de l'identité de chaque individu, qui lui permet d'être réellement humain.

Depuis toujours, nous nous trompons de dieu, parce que nous nous identifions à notre ego (le faux self), au lieu d'écouter la voix de notre âme, source de notre humanité et de tous nos sentiments nobles.

Le quatrième commandement.

v. 8-11. "Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. Car en six jours, l'Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour : c'est pourquoi l'Eternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié."

Cette injonction est un peu longue, mais elle contient les mêmes symboles que dans le verset 4, le ciel, la terre et la mer. Ces éléments sont en fait la clé de ce texte. Si Dieu est le symbole de notre âme (=le ciel), si la terre est celui de notre zone consciente, et si la mer représente notre inconscient et tous ses contenus (les poissons), il devient visible que la création de l'homme a un but très simple. Il doit prendre conscience de tout cela (c'est son travail), travail qui dure Six (=inconscience) jours (=conscience). Autrement dit, l'ouvrage de l'être humain, c'est de prendre conscience de tout ce dont il est inconscient.

Tous les personnages évoqués seront repris en partie dans le Dixième Commandement. Ils symbolisent différents aspects intérieurs de l'homme. Son fils et sa fille, en particulier, sont cette progéniture psychique, garante de la vie de son âme, qui est 'née' à l'intérieur de lui. Son serviteur et sa servante symbolisent encore son âme, qui s'est mise à son service. Son bétail pourrait être l'homme global (terrestre) qui est depuis toujours sous le joug de son ego. Enfin, l'étranger représente cette partie inconsciente de lui, qui parle la langue cryptée des rêves, langue qu'il ne comprend pas. C'est la raison pour laquelle il peut le ressentir comme un étranger. Je rappelle que le pays étranger, dans les rêves, est en général l'inconscient.

Le septième jour (Sept est le symbole d'une zone consciente accomplie), il (=l'homme devenu Dieu) peut se reposer enfin, puisqu'il est devenu Qui il est vraiment (=son âme divine). A ce moment-là, l'homme aura accompli sa mission, et aura droit au repos, c-à-d à la paix intérieure. Ce verset s'adresse à l'homme global, et le parallèle est criant entre ce qu'il doit faire et ce qu'a fait Dieu = la même chose, ce qui semble normal si nous sommes tous Dieu en train de s'accomplir dans la matière.

Le cinquième commandement.

v. 12. "Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne."

Ce verset s'adresse à l'homme (conscient de son humanité), et lui demande de respecter, non pas ses géniteurs, mais son Père et sa Mère intérieurs, qui sont à la source de la naissance de sa zone consciente. C'est la seule façon de rendre ce verset acceptable.

Du reste, tous les traducteurs ont utilisé le verbe respecter ou honorer, car ils ont tous reculé devant le verbe hébreu 'glorifier' (selon Chouraki). Ce verbe-là est effectivement réservé à Dieu...

Par ailleurs, la fin du verset n'est jamais citée. Elle pose trop de problèmes. Car celui qui respecte ses parents ne vit pas forcément vieux, et de plus, quel est ce pays que Dieu nous aurait promis? S'il s'agit du territoire des Juifs, en quoi cela concerne-t-il les Chrétiens? Si c'est vraiment un lieu géographique, cela justifie-t-il la guerre des Israëliens contre les Palestiniens? Dieu peut-il vraiment prendre parti pour un peuple contre un autre? Obscurité, mystère, incohérence... Une fois de plus, l'explication de texte classique fait surgir des questions sans réponses, ou des réponses inacceptables. Bref, elle fustige le premier degré.

Tout cela se défait automatiquement lorsqu'on applique la valeur des symboles. La Terre Promise, c'est cette zone intérieure, découverte par Freud il y a un siècle, et qui est notre propre inconscient. Ce pays-là, un jour ou l'autre, nous en serons les propriétaires, c'est à mon sens inéluctable. Mais alors, les jours qui se prolongent seront évidemment notre zone consciente, qui grandira au détriment de notre inconscient - qui se prolongera en lui. Et cela ne pourra se faire que si nous honorons vraiment ce Père auquel s'adresse la prière Chrétienne. Et bien sûr, si nous avons un Père, symboliquement, nous avons aussi une Mère. Car il est inacceptable de croire que Dieu, s'il existe, ne soit que masculin. La véritable égalité des sexes s'imposera vraiment le jour où sera passée dans l'esprit du grand public l'idée fondamentale que les femmes aussi sont les filles de Dieu... Et que son fils n'est pas unique, mais uniquement la véritable identité de chaque être humain.

Traduction. Respecte ta propre âme divine, afin de croître en conscience, en devenant le propriétaire de ton inconscient, seule façon de le rendre conscient.

Le sixième commandement.

v. 13. "Tu ne tueras point."

Cet ordre s'adresse à notre ego animal, et lui interdit de tuer notre âme humaine. Il est facile de comprendre que, si nous nous identifions à notre âme, si nous empêchons notre ego de la tuer (afin de prendre le pouvoir), alors il n'y aura plus de crimes de sang à la surface de la terre, car notre âme-Dieu fonctionne sur l'amour et le respect, et cet interdit n'aura plus de raison d'être en ce qui la concerne.

Le septième commandement.

v. 14. "Tu ne commettras point l'adultère."

Là encore, le 'Tu' doit être identifié. De qui s'agit-il ? Je penche pour l'être humain lui-même. Il nous est recommandé ici de ne pas nous laisser séduire par notre ego, ce qui nous rendrait adultères vis-à-vis de notre âme (féminine pour les hommes, masculine pour les femmes). Pour utiliser une expression 'parlante', nous ne devons pas 'épouser' les valeurs de l'ego. J'ajoute que, dans ce cas-là, nous ne tomberions plus amoureux d'une personne inadaptée ou mal assortie. Et du coup, nous ne commettrions plus l'adultère extérieur, car lorsqu'on est bien avec quelqu'un, on n'a même pas l'idée de le tromper. Et si on le fait (parce qu'on ne peut pas s'en empêcher), cela vient de la volonté de l'ego, qui impose ses propres pulsions sexuelles, sans tenir compte des véritables désirs de l'individu.

Le huitième commandement.

v. 15. "Tu ne déroberas point."

Ici, c'est l'ego qui est fustigé. C'est lui, le voleur, et le vol basique qu'on lui interdit ici, c'est celui de notre identité humaine. Il est clair également que l'homme identifié à son âme ne dérobera jamais rien sur le plan extérieur.

Le neuvième commandement.

v. 16. "Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain."

Le mensonge certifié exact, c'est celui de l'ego, lorsqu'il dit qu'il est Dieu. Ce verset est très proche du verset 7. Le mot 'témoignage' revient souvent dans les écrits religieux. Il a le même sens que dans le monde extérieur. Le témoin dit ce qu'il a vu et entendu. S'il n'a ni vu, ni entendu ce qu'il affirme, il est coupable de faux témoignage. Il a inventé quelque chose pour convaincre son prochain ou pour le mettre en difficulté.

Tous ces ordres intérieurs cherchent à installer des lois psychiques entre notre âme et notre ego. Comment pouvons-nous nous défendre contre lui, si nous ignorons la loi qui peut nous protéger, et qui nous donnerait les moyens d'identifier ses mensonges? Car l'ego nous persuade qu'il a raison (= l'ego a toujours raison, on ne discute pas avec lui), ou qu'il nous conduit sur un vrai chemin spirituel. Comment savoir si c'est la vérité, ou s'il s'agit d'un faux témoignage?

Ils ont des yeux pour ne pas voir, et des oreilles pour ne pas entendre.

Ces yeux et ces oreilles, nous les utilisons pendant nos rêves, mais nous ne comprenons pas ce qu'ils ont vu et entendu...

Ce sont des rêves d'évolution, finalement assez simples. Ils nous parlent de notre croissance psychique (devenir adulte = se libérer du pouvoir des parents), de mariage (l'union intérieure entre le conscient et l'inconscient) et de grossesse (=naissance de notre véritable identité, sous la forme d'un bébé souvent surdoué - ou conçu en dehors de toute relation sexuelle). Tous ces rêves sont de véritables témoignages de l'évolution naturelle de l'être humain. Celui qui n'a pas eu ces rêves, porte un faux témoignage quand il dit être un serviteur missionné de Dieu. C'est donc son ego qui parle, et il est indispensable (surtout pour lui) de le savoir.

Mais chacun doit répondre à cette question dans son propre coeur. Et personne ne peut conduire personne sur ce chemin-là, sauf notre âme divine, qui justement, nous envoie nos rêves.

Le dixième commandement.

v. 17. "Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain, tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain."

Je dis souvent que l'ego est comme un locataire indésirable, capable de pousser dehors son propriétaire (notre véritable identité). Effectivement, il convoite notre maison intérieure. Lorsqu'il réussit dans cette entreprise, le sujet s'autorise des comportements inacceptables avec autrui, car l'ego est un prédateur. Toutefois, s'il s'interdit de mal se conduire avec autrui, l'ego peut se retourner contre lui. En effet, un prédateur a besoin de proies. S'il ne peut dévorer quelqu'un dehors, il tente de dévorer son co-équipier dedans. Le sujet peut alors basculer dans la déprime, se retrouver à l'hôpital psychiatrique, ou encore se suicider.

Une autre approche est celle du couple. L'ego cherche à nous séduire, et si nous le suivons, il intercepte notre âme (féminine pour les hommes, masculine pour les femmes). C'est pourquoi on l'appelle aussi le Séducteur.

Le serviteur et la servante sont deux autres symboles de la véritable fonction de notre âme. Masculine ou féminine, elle est naturellement à notre service, comme dans le quatrième Commandement. L'ego la convoite pour la mettre à son service personnel.

Dans ce texte-ci, le boeuf est associé à l'âne, et ils doivent tous les deux échapper à la convoitise de l'ego. C'est la raison pour laquelle je pense plutôt ici à la symbolique de la crèche, où ces deux animaux sont également présents. Le boeuf peut camper un aspect hors-sexe de l'être humain, puisque cette naissance (celle du Christ) est intérieure. (Le taureau, à l'inverse, image très souvent le père-géniteur). L'âne, lui, est le symbole de l'humilité de notre âme, capable de ployer sans se plaindre sous les lourds fardeaux que l'ego lui impose.

Ce verset s'adresse à l'ego, et lui ordonne de respecter ce voisin, si 'proche' de lui... en lui laissant la libre disposition de ce qui est à lui = maison, conjoint, serviteurs, boeuf et âne...

Le prochain est chaque être humain, berné depuis toujours par son ego animal, qui convoite tout ce qui lui appartient.

Ces explications donnent du sens et de l'intelligence à tous ces versets. Mais elles permettent surtout - surtout - de les appliquer sans difficulté, parce qu'elles correspondent à des vérités intérieures, dont chacun peut sentir dans son coeur qu'elles sont justes, cohérentes et fonctionnelles.

Je les rappelle dans l'ordre.

J'ai annoncé tout cela dans l'introduction, je le répète après la démonstration.

Note. Je sais que certaines de ces traductions ont déjà été faites, çà et là, au fil des dossiers précédents. Je prie le lecteur de me pardonner les répétitions inévitables (et sans doute nombreuses) qu'on trouve partout dans ce site. Mais nous sommes tous tellement intoxiqués par les fausses valeurs de notre civilisation judéo-chrétienne, qu'il est peut-être bon de marteler que la liberté et le bien-être intérieurs sont possibles, en s'appuyant parfois sur les mêmes exemples...

Pour conclure.

Ces commandements-là pourraient être enseignés au catéchisme, mais aussi dans des cours de psychologie donnés dès l'école primaire. Ils pourraient surtout être véhiculés par une éducation familiale, dans laquelle les parents expliqueraient à leur enfant que deux petits garçons (ou deux petites filles) habitent à l'intérieur de lui, et que seul celui qui est dans son coeur est le vrai. L'autre lui fait faire ses bêtises, ou ses caprices, et c'est celui-là qui doit être 'fessé', afin que l'enfant lui-même puisse faire la loi, très tôt, dans son monde intérieur. Un enfant - s'il prenait le contrôle de son ego dès le départ - éviterait probablement de lui-même tous les mirages de la délinquance, de la drogue, de la violence, de la psychiatrie (TOCs, anorexie, boulimie, phobies, schizophrénie etc) et bien sûr des tentatives de suicide.

Je précise que ces explications ne peuvent être données à un bébé, parce qu'il n'a pas de langage. Il faut donc attendre que celui-ci soit installé et utilisable pour le jeune enfant (entre 3 et 6 ans). On parle bien de l'âge de raison, auquel l'enfant accède à 7 ans... C'est à ce moment-là que l'éducation fondée sur le dialogue devient réellement efficace.

Prendre conscience de son ego et l'exclure du pouvoir intérieur a de nombreuses applications. C'est une clé qui permet de résoudre toutes les injustices, toutes les exactions, tous les abus de pouvoir, toutes les cruautés - dans tous les domaines (familial, social, professionnel, politique et religieux). En ce qui concerne la psychiatrie, cela pourrait mettre un terme à la déprime, aux états suicidaires, et à toutes les maladies mentales souvent réputées incurables.

Par ailleurs, cette interprétation est parfaitement compatible avec le dossier Une Nouvelle Théologie, accessible dans le Menu. Elle en est une application évidente, dont les résultats pourraient être immédiats. En effet, tout adulte est capable de reconnaître si son fonctionnement relève de l'ego ou de l'âme. Il suffit qu'il se pose la question. Beaucoup de doutes seraient levés à la seconde pour un grand nombre d'individus, s'ils prenaient conscience de cet autre, à l'intérieur d'eux-mêmes.

Cette compréhension des Ecritures pourrait changer de façon spectaculaire le visage de notre humanité, parce que le Dieu qui s'exprime là n'est plus inaccessible, mais au contraire inévitable (CAD, chapitre 7, tome 1). Et quant à la psychanalyse, elle ne pourra pas - à mon sens - faire des miracles, tant qu'elle n'enseignera pas la dualité humaine, au coeur de notre inconscient. Car l'inconscient est cette terre virtuelle, promise depuis toujours par notre âme-Dieu, mais détenue par notre ego qui veut nous empêcher d'y entrer.

L'Eglise voulait brûler Copernic. Certes, nous sommes au XXI° siècle, et je ne crains pas le bûcher, mais il n'y a pas d'avancée humaine sans découverte reconnue officiellement (à condition que la découverte en question soit juste...).

J'aimerais que ma méthode (l'Egostracisme) sorte de la confidentialité de ma pratique personnelle. Après tout, Freud a bataillé 10 ans, avant d'être reconnu par ses pairs. Je souhaite seulement que mes confrères "psy" veuillent bien expérimenter la donnée que je propose dans leurs consultations privées, afin de voir si cela leur permet d'améliorer leurs résultats.

Quant aux chefs religieux, oseront-ils envisager que le diable (qu'ils combattent depuis toujours sans grand résultat), puisse être l'ego de chacun d'entre nous, y compris le leur ?

Ce que le "dieu" des religions n'a pas pu accomplir, un "humanisme" pleinement conscient le réussira.

Nous sommes dans l'urgence. Il est temps, pour la spiritualité et les sciences de l'homme, de marcher main dans la main.

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