Un exemple de Phobie

L'essentiel de ce dossier cite un rêve dans tous ses détails, ainsi que sa traduction et les commentaires de la rêveuse. Avec sa permission, j'expose ici l'entretien (téléphonique) qui a débouché sur la guérison de sa phobie.

Le rêve, outil de libération crypté.

Il s'agit d'une jeune femme, mariée, et maman d'une petite fille. Elle fait un terrible cauchemar, et sa mère, qui me consulte régulièrement pour ses propres rêves, lui conseille de m'en demander l'explication.

- Je suis dans une maison, avec deux ou trois enfants, plus une fille de 12-13 ans, qui doit aller faire le ménage dans une maison un peu plus loin. Elle résiste, car elle a terriblement peur. Je lui dis qu'il n'y a rien à craindre, et que je vais l'accompagner. Elle précise qu'elle ne veut pas voir Tom. "Il est méchant, dit-elle, il me fait mal." C'est un enfant, mais je serai là. On part avec deux petits, dont un garçon, et un grand chien roux, pour nous rassurer.

On arrive dans une grande maison, style mas provençal. On entre. Il y a une porte vitrée, et un charriot de ménage, face à un escalier qui monte. À gauche, une cuisine américaine, à droite, deux ou trois marches descendent dans une pièce carrée. Derrière la porte vitrée, des rideaux rouges cachent une salle... de cinéma? ou de réception? Une autre porte donne sur une chambre-salon, vide. Je ne suis pas à l'aise. Je dis à la fille de commencer. Elle disparaît derrière les rideaux. Le petit garçon va dans le salon. Moi, je reste avec le chien dans l'entrée.

Le temps passe. Mon malaise s'accentue. Je ressens une forte angoisse. J'appelle la fille. Pas de réponse. Je sais qu'elle est là, en terrible danger. Le chien l'a rejointe. Je décide d'y aller. À ce moment-là, le chien sort, seul, effrayé. J'abandonne, malgré ma culpabilité. Je décide de récupérer le petit garçon. Il vient. Derrière les rideaux, je sais qu'il y a le mal absolu. J'éprouve une terreur sans nom. J'avais déjà eu peur, dans des cauchemars, mais là, je suis dans une panique folle.

On sort. Dehors, on respire. L'enfant et le chien disparaissent.

Je me retrouve prise dans une fusillade. Ce sont deux bandes rivales de skin-heads. Je pars vers un cimetière qui ressemble à un jardin à la française, entouré de murs en pierres. J'essaie de me cacher. Deux ou trois skinheads me trouvent et veulent me tuer. Je vois un portable, et j'appelle les flics. Mais l'un des agresseurs me repère. Il décide de me tuer. Je tente de lui parler, je le supplie. La fusillade reprend. Est-ce la police qui arrive? Je réussis à m'échapper.

Il y a une voiture. C'est un char d'assaut. Je me jette dedans. On part. Je suis sauvée. Réveil.

- La peur reste intense, même après mon réveil. J'ai l'impression d'avoir touché du doigt quelque chose d'horrible. Je me dis que si j'ai un fils, jamais je ne l'appellerai Tom. Que jamais je ne louerai cette maison-là. J'imagine ma fille dans cette pièce aux rideaux rouges, et je tremble.

Il y a quelques années, j'ai vu un film atroce. Le spectateur tombait dans l'esprit malade d'un serial killer. J'ai dû sortir du cinéma. Dans mon rêve, il y avait un peu la même ambiance... J'ai écrit mon cauchemar, mais je ne pouvais pas le raconter. Je l'ai fait lire à mon mari, mais même maintenant, cela me coûte énormément de vous le lire à haute voix.

Je ne connais pas la rêveuse, mais son rêve étant basé sur une peur démesurée, je ne vois qu'une question à lui poser.

- De quoi avez-vous peur ? Avez-vous des peurs irraisonnées ? La réponse est immédiate.

- J'ai la phobie des sauterelles. Depuis petite. J'ai fait plusieurs traitements. PNL, sophrologie, chakras, fleurs de Bach. Une amie m'a fait faire des séances pour avoir moins peur. Mais j'ai beau me programmer, le printemps revient, les sauterelles avec. Et je meurs.

Quand j'étais petite, on allait en vacances dans les Alpes. Les champs étaient remplis de petites sauterelles. J'avais déjà peur, mais ce sont surtout les grosses grises, qui me terrorisent. Un jour, mon frère a couru vers moi avec une sauterelle, pour rire. J'ai été tétanisée. Le plus étrange, c'est qu'elles me tombent dessus, comme si elles me choisissaient, comme si elles le faisaient exprès. S'il y a une sauterelle dans un rayon de trois kilomètres, elle est pour moi. Même si nous sommes plusieurs, c'est sur moi qu'elle saute, comme si elle savait que je suis la victime idéale. Cela me fait un stress énorme, pour un insecte qui doit avoir encore plus peur que moi...

Après avoir vérifié que ni son père, ni sa mère, ni personne dans son entourage ne la mettait en danger, je lui parle de l'ego. Je lui explique que nous sommes tous deux à l'intérieur, et que sa phobie est probablement la mise en scène du fonctionnement de son ennemi intérieur. Il a choisi de s'identifier à une sauterelle, mais celle-ci n'est qu'un support. En fait, il veut la détruire, et il utilise pour cela un insecte qui, par le biais des projections, devient du coup pour elle un danger mortel. Mais le seul, le vrai danger mortel, c'est son ego, à l'intérieur d'elle-même.

- C'est bien possible, me dit-elle. Je sens un poids qui s'enlève de l'estomac. J'avais essayé de me faire une copine de la sauterelle. Bizarrement, je me disais que j'avais quelque chose en moi, qui pouvait être dangereux. J'ai toujours eu peur de devenir folle... Ce que vous dites me parle.

La traduction.

Nous avons alors essayé d'expliquer le rêve, pas à pas, en suivant la piste de l'ego.

- Vous êtes dans votre monde intérieur, la première maison. Cette petite jeune fille, qui doit faire le ménage, c'est un aspect de vous-même, c'est la pré-adolescente qui doit absolument faire le ménage dans l'espace où règne l'ego (=la maison où elle doit aller). Elle est la partie de vous qui a peur de la sauterelle-ego, alors que la partie adulte (=vous dans le rêve) dit qu'il n'y a rien à craindre. C'est votre discours raisonné, lorsque vous dites, comme tout à l'heure, que cela fait beaucoup de stress, pour un insecte qui doit avoir plus peur que vous.

La rêveuse est d'accord avec cette introduction. Je continue donc.

- La petite jeune fille a peur de Tom. Connaissez-vous quelqu'un qui s'appelle ainsi?

- Non, j'y ai réfléchi, mais Tom, à l'envers, se lit "mot".

Une remarque de ce genre, qui vient du sujet lui-même, est forcément pleine de sens. Il se trouve que 'sauterelle' est d'abord un mot. On peut aussi entendre 'maux', pluriel de 'mal' et elle a dit que Tom lui faisait mal. Tout cela semble lié à l'ego, qui s'appuie sur un mot, qui fait mal, et surtout, surtout, qui comprend les choses 'à l'envers', et les installe donc dans le sens de la déraison. La rêveuse est ouverte à toutes ces pistes, elle me suit sans difficulté.

- Le chien pourrait bien représenter un aspect de vous, rassurant, mais peu efficace, comme le dit le rêve un peu plus loin.

- Cela me rappelle une peluche chien, qu'un homme m'a volée un jour, sous mon nez. Je l'ai vu la prendre et partir avec...

Toute peluche ou jouet symbolise l'enfance. Son enfance a été polluée par cette phobie, comme si son ego la lui avait volée. En effet, tous les événements extérieurs peuvent être interprétés comme des projections de la problématique intérieure de l'être humain.

La maison (de l'ego) est ensuite décrite avec précision. Elle est grande, ce qui pourrait vouloir dire que l'ego tient beaucoup de place à l'intérieur d'elle, ou qu'il est bien installé... L'étage supérieur indique souvent le fonctionnement du mental (lieu privilégié de l'ego), la chambre-salon, vide, met probablement en scène le 'vide' affectif généré par l'ego, et le petit garçon qui va s'y installer est un aspect-enfant de la rêveuse, qui a vécu ce vide. Les rideaux parlent généralement de quelque chose qui cache une vérité. On pourrait les rapprocher de l'ego, qui cherche à agir dans l'ombre, et qui tire les rideaux pour ce faire. Du reste, la salle est peut-être une salle de cinéma. C'est là qu'il va faire son cinéma, et terroriser la rêveuse, comme dans le film qu'elle a évoqué.

La rêveuse n'est pas à l'aise. Cela est en lien avec la venue du printemps (séance du 31 Mars 2004)... et son cortège de sauterelles. La fille entre derrière les rideaux, tandis que la rêveuse attend dans l'entrée. La première est celle qui est obligée d'affronter l'ego-sauterelle, la seconde est celle qui cherche à garder le contrôle. Cela dure depuis longtemps, et le temps ne change rien à la situation, puisque le malaise s'installe, la pression et la peur s'amplifient.

La fille ne répond pas à son appel, et la rêveuse sait qu'elle court un terrible danger. Certes, elle l'a dit un peu avant. Quand arrivent les sauterelles, je meurs. Y a-t-il un danger plus terrible? Le chien lui-même (qui représente parfois le corps dans un rêve, c-à-d notre dimension physique, que nous partageons avec tous les autres êtres vivants), le chien est effrayé, lui aussi. La peur est un ressenti qui vient de l'ego, certes, mais qui contamine toutes les parties de soi. Cela contracte les muscles, affole le coeur, brouille les idées, etc...

Derrière les rideaux, se trouve le mal absolu. L'ego est le mal absolu, car il fonctionne sur la terreur, ce qui lui permet de réussir parfois à tuer autrui (assassinat), et d'autres fois à tuer le sujet lui-même (suicide). La panique ressentie dans le rêve est exactement celle que connaît la rêveuse, quand sa phobie se déclenche. Ce que rajoute le rêve, c'est que l'auteur de cette panique folle se cache (elle ne le voit pas), mais que ce n'est pas une sauterelle. La sauterelle n'est qu'un support. La suite va le confirmer.

La rêveuse est entièrement d'accord avec mes propositions. Bien qu'elle soit fortement bouleversée par notre entretien, elle sent qu'elle tient une piste juste, qui peut vraiment l'aider à dépasser sa peur.

Lorsqu'elle se retrouve dehors, elle respire mieux. Effectivement, lorsqu'elle n'est pas en présence d'une sauterelle, elle se calme, et retrouve son fonctionnement propre.

Puis apparaissent les skin-heads. Voilà l'ego. La fusillade met en scène deux bandes rivales. Comment peut-on expliquer cela? L'ego peut-il se dissocier et s'entre-tuer?

Aussi bizarre que cela puisse paraître, la réponse est Oui. En effet, le rêve n'intervient que pour délivrer un message, qu'il suppose compréhensible pour le sujet. Lorsqu'il met en scène le problème du rêveur, il lui donne souvent, en même temps, la solution pour s'en débarrasser. Si l'ego est identifié, il est automatiquement en difficulté, et comme c'est un prédateur, il se retourne parfois contre lui-même, comme le scorpion qui se pique lui-même quand il se voit perdu. Il ne faut pas oublier que l'ego fonctionne sur la loi du plus fort. Selon mon analyse, tout délinquant est identifié à son ego, ce qui explique les luttes meurtrières pour le pouvoir. Notre monde intérieur est le reflet du monde extérieur - ou le contraire. Peu importe, car cela fonctionne dans les deux sens...

La scène se passe dans un cimetière. Ce lieu parle de mort. Mais qui doit mourir? Lorsque le rêveur comprend ses rêves, c'est son ego qui cède la place, c'est lui qui perd la vie. Là, rien n'est encore joué. La rêveuse est surprise. Elle essaie de se cacher. Mais ce n'est pas une solution. L'ego règne par la peur. C'est ce qui lui donne le pouvoir. Le regarder en face dans un rêve, et l'affronter, est en général très efficace. La rêveuse n'en est pas encore là. Elle supplie, mais on ne discute pas avec l'ego. Les arguments du coeur lui échappent complètement.

La rêveuse voit dans cette partie de son rêve, l'évocation de toutes ses thérapies, qui n'ont rien donné. C'est possible. Le ressenti du rêveur ne doit jamais être éliminé d'un revers de main, car son approche personnelle a toujours quelque chose de juste. Il est plus pertinent de l'approfondir. Ici, effectivement, la rêveuse a 'supplié' qu'on la libère de sa phobie, mais on ne peut pas dire que les thérapies essayées lui aient été hostiles. En revanche, son ego a entendu cette supplication, et n'en a pas tenu compte. C'est l'autre aspect de ce que je proposais plus haut. Si se battre contre soi-même laisse le vrai coupable libre d'agir à sa guise (TOC), supplier un tigre de lâcher sa proie n'aura pas grand résultat (phobie). La seule issue, c'est de le tuer, avant qu'il ne nous tue. Je répète et je rappelle que ce meurtre est virtuel - bien entendu.

Le portable symbolise la communication intérieure, c'est-à-dire la parole du conscient qui interroge l'inconscient. Lorsque ces deux parties de soi communiquent vraiment, l'ego ne tient pas longtemps le pouvoir. La rêveuse réussit à s'échapper. La police représente la partie d'elle-même, capable de mettre de l'ordre dans son monde intérieur.

La rêveuse se sent beaucoup mieux. Tout cela lui parle. Elle me raconte alors deux autres rêves récurrents.

- Dans l'un, j'ingère des sauterelles. Ce n'est pas très agréable, mais il n'y a pas de danger...

Je propose quelque chose de très simple. Son rêve lui dit de ne pas se laisser 'bouffer' par son ego-sauterelle. "Fais l'inverse, bouffe-le, plutôt ! Il n'est pas très agréable à manger, mais au moins, il ne te mettra plus en danger." Lorsque le rêve est compris, sa parole "opère", c'est-à-dire qu'elle fait évoluer le rêveur. S'il n'est pas compris, cette parole reste 'lettre morte'.

- Dans l'autre, je vois des sauterelles partout au plafond.

Le plafond est un symbole du mental. L'expression "avoir une araignée dans le plafond" est ici peut-être mise en scène avec les sauterelles. Dans les deux cas, c'est l'ego qui est à l'oeuvre, et c'est lui qu'il faut éliminer.

- Je suis capable de beaucoup de violence envers moi-même. Cela induit en moi la peur d'être violente avec les autres, ou de devenir maltraitante. Un jour, lorsque j'avais 7 ou 8 ans, je suis descendue au rez-de-chaussée avec mon petit frère pour le changer. Ma mère a eu très peur quand elle ne l'a plus vu dans son lit. Cela m'a peut-être mis le doute sur mes intentions... J'avais peur de le faire tomber. Aujourd'hui, j'ai peur de laisser tomber ma fille, au sens propre. Elle ne marche pas encore. J'ai ce côté en moi...

Je suis toujours prête à suivre le rêveur sur la piste qu'il me propose. Mais je garde toujours à l'esprit que les peurs sont directement liées à l'ego, qui dispose de cet outil puissant, notre cerveau, dans lequel il est capable de s'insinuer sans nous demander notre avis. Ensuite, il n'a qu'à parler - penser - et sa pensée s'insinue sournoisement dans l'esprit du sujet, qui se met à douter de sa bonté, de son humanité, de sa raison. C'est du reste pourquoi la frontière est si mince entre la raison humaine et la folie, dont j'accuse toujours l'ego.

- Et pourquoi les sauterelles grises ?

Le gris évoque souvent les vieux, avec leurs cheveux gris. La rêveuse se met alors à me parler de sa grand-mère.

- Ma grand-mère avait été agressée par son patron... Elle avait peur des hommes... Elle m'avait raconté tout ça... Je suis sortie très tard avec un garçon... Je ne supporte pas qu'on me surprenne par derrière...

Là, nous touchons aux racines du fonctionnement de cet ego-là. En effet, le mot "sauterelle" peut se décomposer en "sauter" + "elle", dans le sens familier de 'se faire sauter'... La phobie pourrait donc être liée aux mots de la grand-mère, utilisés à l'envers (=Tom) par l'ego.

- J'ai toujours eu peur du viol. Je me doutais qu'il y avait quelque chose de cet ordre. Mais je ne l'avais jamais verbalisé ainsi.

Il y a eu une pause assez longue, que j'ai respectée.

- Plein de choses me reviennent (émotion dans la voix). J'ai 32 ans. J'ai cherché toute ma vie à avoir ces clés-là. J'ai toujours voulu croire à ce que je faisais. Et là, ça touche une corde qui vibre. J'ai beaucoup travaillé sur moi. Aujourd'hui, ça fait du bien....

Personne ne peut comprendre le rêveur mieux que lui-même. Lorsque tout s'explique, dans la tête du sujet, alors, c'est que l'entretien a été fructueux, une libération s'est faite, un verrou a sauté. On prend la formule qu'on préfère, mais sur le plan psy, cela signifie que l'ego a perdu une manche, et que la personne a gagné en paix intérieure, en humanité.

La phobie désactivée.

Lorsqu'on comprend tout à coup ce qui se passe réellement, lorsque l'analyse est juste, le sujet se sent immédiatement mieux, parce qu'il a accès à sa vérité. Quelques semaines plus tard, la rêveuse me laisse un message sur mon répondeur. Elle va vraiment beaucoup mieux.

Fin Août, elle me recontacte, toujours par téléphone, et me cite deux rêves qui l'ont marquée, depuis notre entretien.

- J'habitais dans un sous-sol, très très profond. Il y avait plus de 600 étages sous terre. Je descendais à pic, dans une sorte d'ascenseur. Et là, tout à coup, je remonte, et en même temps, c'est comme un espoir qui renaît. J'avais l'impression que je me dégageais d'un homme, qui me tenait au fond, par la peur. En remontant, je sortais de cette situation.

La rêveuse avait bien entendu compris son rêve, en identifiant son ego dans l'homme qui la tenait par la peur. Je vais simplement ajouter que le sous-sol est un symbole de l'inconscient, de même que le Six. C'est pourquoi le 666 est le chiffre de la Bête (Apocalypse, 13. 18) = L'ego (la Bête) garde le pouvoir tant qu'il maintient l'homme dans l'inconscience (=l'ignorance) de ce qu'il fomente à l'intérieur de lui. Et là, la rêveuse sort de cette inconscience, puisqu'elle a compris ce qui se passait vraiment, en identifiant qui était le vrai coupable.

- J'ai perdu tous les détails du second rêve, je sais seulement qu'il était porteur d'une joie parfaite...

Quand on est libéré d'un problème lourd, on ressent cette joie dont parle le rêve. Elle me confirme que sa phobie a disparu.

- Certes, je n'irai pas toucher une sauterelle avec plaisir, mais s'il y en a une là où je me trouve, je saurai me défendre, et je n'aurai pas peur de la coincer sous un verre, par exemple. Je maîtrise la situation et je ne me sens plus en danger. L'autre jour, j'en ai vu une passer devant moi en volant. Je l'ai trouvée ridicule, ça vole vraiment n'importe comment ! Avant, j'aurais été terrorisée, là j'ai vraiment eu envie de rire...

Cette dernière remarque mérite d'être analysée. À mon avis, elle ne concerne en aucun cas la sauterelle. Pour cet insecte assez lourd, voler relève de la performance. Le jugement de la rêveuse est une projection manifeste. C'est son ego, qu'elle fustige ainsi. Car effectivement, il est ri-di-cu-le... et il fait n'importe quoi, n'importe comment. Se prendre pour une sauterelle, je vous demande un peu !... N'empêche, tant qu'on ne l'a pas démasqué, il est capable de nous terroriser avec un comportement imbécile. C'est tout le paradoxe. Et c'est la juste compréhension des choses qui résout le problème, autrement dit, la prise de conscience.

La croissance du conscient s'est faite au fil des siècles, de façon naturelle et régulière. L'homme d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celui de la préhistoire, celui de l'antiquité, celui du moyen-âge, et même celui du XIXème. Ceux qui prêchent le retour aux valeurs anciennes, ou à la soi-disant sagesse d'autrefois, se leurrent et leurrent ceux qui les écoutent. C'est, à mon avis, leur ego qui parle... De toute manière, on ne peut pas - on ne doit pas - revenir en arrière. L'obstacle que nous devons franchir est à l'intérieur de nous. Toute la sagesse dont nous avons besoin est devant nous, accessible immédiatement, si nous écartons l'ego de notre route.

Le problème de l'ego est universel, mais il est rarement évoqué, et quand c'est le cas, il n'est jamais présenté comme le 'mal absolu'. C'est pourtant ce qu'il est, même s'il n'est pas trop menaçant chez certaines personnes. Il attend l'occasion. Parfois, cette occasion ne se présente jamais. Mais à la moindre opportunité, il est là, et prend le pouvoir. Il est absolument essentiel de le savoir.