EDUCATION ET AMOUR
La psychologie de l'enfant.
Tout être humain est double, c-à-d qu'il porte à l'intérieur de lui deux instances opposées. L'une est humaine, c'est sa véritable identité. L'autre est animale : c'est un ennemi d'autant plus puissant qu'on n'en a pas conscience. Si je crois être cet autre, à l'intérieur de moi, cela lui donne automatiquement tous les pouvoirs. Il va penser, parler, agir à ma place, il va en quelque sorte me vampiriser. Par voie de conséquence, je vais être incapable de mettre en oeuvre mes vrais désirs et mes besoins légitimes. Cet autre va vivre ma vie à ma place, en utilisant mon corps, à l'intérieur duquel nous cohabitons lui et moi. Cet autre, je l'appelle l'ego. Il siège essentiellement dans ma tête. Ma véritable identité siège dans mon coeur. Je l'appelle l'âme.
Origine. Nous sortons tous de l'inconscience totale. Notre humanité se mesure à notre niveau de conscience. Il suffit pour s'en convaincre d'imaginer l'homme préhistorique, et de le comparer à l'homme moderne. Le gouffre entre les deux est tout aussi énorme que celui qui sépare un être humain adulte de son niveau de conscience pendant sa petite enfance. C'est la raison pour laquelle notre inconscience de départ est totalement habitée par notre ego-animal, qui doit céder peu à peu la place à notre âme-humaine.
Chez un enfant, cette dualité apparaît dès les premiers mois, et quelquefois dès la naissance (cf Psychiatrie dans le menu). En effet, l'enfant dit "Moi" avant de conjuguer ses verbes avec "Je". Ego est un mot latin, qui signifie "moi". Mais, même avant de parler, l'enfant peut faire des caprices inacceptables, manifester une volonté de fer, résister à tous les discours éducatifs. C'est le propre de l'ego : on ne discute pas avec l'ego, que ce soit celui d'un bébé, d'un enfant, d'un adolescent, d'un adulte ou d'un vieillard, fille ou garçon, homme ou femme. Il est toutefois évident qu'il est plus facile de maîtriser l'ego d'un bébé de huit mois, que celui d'un adulte de quatre-vingts kilos...
Le dialogue avec un enfant suppose qu'il puisse répondre. Le dialogue est certes nécessaire, mais ne peut être suffisant (sauf cas exceptionnel) pour un bébé qui ne parle pas. En général, dire Non et rester ferme sur ses positions, suffit pour que l'ego de l'enfant comprenne que ce n'est pas lui qui commande. Si cela se révèle être inopérant, une petite fessée peut être très utile. Cela calmera l'ego, et libèrera la petite âme de l'enfant, car il est bien entendu incapable de se réguler lui-même, c-à-d de contrôler son animal intérieur. Cela le rend très malheureux, car il est avant tout un être humain, et ses parents doivent l'aider à privilégier les valeurs de son coeur, afin qu'il puisse accéder à sa véritable identité. Au contraire, céder à tous ses caprices, c'est nourrir la volonté de son ego, et donc le déconnecter de son être véritable. Un enfant qui est la proie de son ego n'est jamais satisfait, pleure, trépigne, hurle, ce qui est à l'évidence la preuve qu'il n'est pas heureux. Son ego a pris le pouvoir, et cela ne peut être satisfaisant pour personne : ni pour lui, ni pour sa famille.
En grandissant, l'ego devient de plus en plus odieux, si personne ne lui pose de limites. Du reste, si l'enfant prend conscience que son comportement est intolérable, il arrive qu'il le régule lui-même tout seul. Cela peut se faire, et se fait souvent, vers sept ans, le bien nommé "âge de raison". Mais cela n'est pas automatique. Si l'enfant est complètement identifié à son ego, ses parents sont vite débordés, et plus rien ne peut le soulager. Il devient sourd, buté, hostile : on ne discute pas avec l'ego. Si on ne fait rien, plus le temps passe, plus l'ego prend de la force, cette force qui vient grâce à la croissance physique. On peut encore être le maître d'un enfant de dix-huit mois, mais un gamin de dix ans peut être ingouvernable. C'est alors la délinquance qui se profile à l'horizon de sa vie. Une seule voie (à mon sens) est alors possible : lui faire prendre conscience de son ennemi intérieur, cet ego qui le gouverne et lui fait commettre des actes indignes, sur lesquels il ne peut porter de jugement, tant que c'est l'ego qui répond à sa place, puisque c'est l'ego qui a agi, et qu'il estime que tous ses actes sont justifiés.
Voici un exemple flagrant.
Des parents m'amènent leur enfant de sept ans. Ils sont visiblement débordés par son comportement. Il est agressif, désagréable, à la limite de l'insolence. Je lui explique qu'il y a deux petits garçons à l'intérieur de lui. Celui qui habite dans son coeur est le vrai petit Hugo, l'autre est un ennemi. Je le nomme : ego. Je lui fais remarquer combien les deux mots sont proches, et qu'il peut glisser facilement vers le second, et devenir cet autre, cet ennemi. En général, les enfants sont soulagés et tout de suite d'accord pour essayer de se débarrasser de leur ego. Lui, non. Manifestement, c'est son ego qui me répond, et je n'arrive pas à me connecter au vrai Hugo. Je lui demande s'il se souvient d'un rêve. "Non !" Le ton est rogue. Je lui propose de faire un rêve éveillé. Il s'allonge sur les coussins : "Je suis bien obligé. Mais je m'en fiche."
Je lui suggère de voir un crocodile, un fauve, un serpent. Il les voit sans problème, mais lorsque je lui explique que ce sont des images de son ego, car l'ego est un animal, il réagit violemment : "Non ! l'ego est pas un animal !" Il refuse de les tuer, ou de les chasser, ce qui est indispensable s'il veut reprendre le pouvoir. Il est clair que ce n'est pas lui qui parle, c'est son ego, et bien entendu, l'ego ne veut pas lâcher le morceau. Je finis par douter d'arriver à un résultat. Les parents assitent à la scène, totalement impuissants aussi. Pourtant, la maman lui dit tout à coup qu'il doit être bien malheureux pour réagir de la sorte. Je vois à ce moment-là une larme couler de ses yeux fermés.
La méchanceté n'est souvent que le signe d'un grand désarroi intérieur : quand on est heureux, on n'est pas méchant. C'est l'ego qui a peur, ce qui le rend méchant, et c'est alors le coeur, l'être humain, qui est malheureux... Je le lui explique. Il résiste toujours. En désespoir de cause, sachant que la parole de l'ego passe par la gorge, je tente une expérience de jeu vidéo.
"Imagine ton estomac. Tu le vois ? Bien. Il y a un serpent dedans. Tu ne peux pas garder un serpent dans ton estomac. Tu es d'accord ? Bon. Alors, enlève-le. Sors-le avec ta main virtuelle, et jette-le."
Il le fait. "Oui. Et alors ?"
Toujours ce ton agressif... "Regarde encore. Il y en a un autre. Le vois-tu ? Enlève-le aussi." ... "C'est fait !"
Le ton est excédé. "Retournes-y. Il y en a d'autres."... "C'est vrai. Y a un nid..."
Je lui dis de tous les enlever, de prendre son temps, de bien vérifier qu'il n'en reste pas... Un petit silence s'installe, au bout duquel nous entendons tout à coup une petite voix de bébé dire : "Ca y est. Y en a plus..."
Ce n'est plus le même. L'ego est parti. Sa véritable identité apparaît enfin. Il est redevenu lui. Je lui dis d'aller faire un gâté à sa maman et à son papa. Il leur saute dans les bras... La partie est gagnée... pour aujourd'hui. Il faudra qu'il revienne, car l'ego reprendra le pouvoir à la première occasion, et il est indispensable de sécuriser le processus. Toutefois, je conseille aux parents de refaire la même expérience sans attendre le prochain rendez-vous, si cela est nécessaire.
Note. La crainte de certaines personnes - qui me l'ont exprimée - c'est que cela puisse rendre le sujet schizophrène. Cet argument mérite d'être examiné, car cette maladie évoque effectivement un dédoublement de la personnalité. Beaucoup de schizophrènes entendent des voix, et c'est en fait cela qui les rend fous, car ils ne savent plus qui ils sont, et ont tendance à s'identifier avec cette voix puissante qui déclare fréquemment être Dieu ou au contraire, le diable. Mais c'est justement parce qu'ils ne savent pas que c'est leur ego qui leur parle, qu'ils deviennent schizophrènes. C'est exactement le contraire de ce que je propose : savoir d'où vient cette voix, c'est acquérir immédiatement le pouvoir de la contrer, puis de la faire taire. C'est la prise de conscience qui permet de prendre le contrôle. Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous schizophrènes - à des degrés divers, et la plupart du temps, parfaitement gérables. Mais ce n'est pas en niant la réalité qu'on peut venir à bout de ses conséquences, c'est au contraire en se colletant à elle, en la regardant en face, qu'on règlera les problèmes qui en découlent. La méthode que je préconise est basée sur la visualisation de l'ego, afin de pouvoir se battre contre lui. Comme il n'a pas d'existence physique propre, seul, le virtuel peut mettre en scène le combat dont l'âme sortira victorieuse.
L'éducation.
Je veux revenir sur quelques principes simples. Quand un enfant de deux ans frappe sa mère, ou donne des coups de pied à son père, cela signifie que son ego n'a pas compris ou ne veut pas comprendre le discours de l'éducation moderne, basée sur le dialogue. En revanche, il comprendra parfaitement une réponse du même ordre : Tu m'as mordu ? Je t'ai expliqué que cela faisait mal, et tu continues ? Très bien, je te mords à mon tour, afin que tu comprennes ce que cela fait. Le résultat sera immédiat (en dessous de deux ans), mais plus on attend, plus ce sera long... Il ne faut pas oublier qu'un enfant accède à l'âge de raison à sept ans : c'est l'âge où il peut comprendre l'explication et le raisonnement, ce qui lui permet parfois de ne plus donner le pouvoir à son ego.
Avant, c'est plus difficile, d'où l'intérêt de la fessée, comme moyen intermédiaire, à condition, bien entendu, qu'elle vienne sanctionner un caprice inacceptable. "Qui aime bien, châtie bien" disait une sagesse populaire qu'on a un peu oubliée... L'enfant qui fait caprice sur caprice manifeste pourtant par là à ses parents que l'éducation qu'on lui donne ne le rend pas heureux : c'est son ego qui en profite. Sa petite âme ne peut s'épanouir car ses parents laissent son ego avoir le dessus, à la fois sur eux et sur lui-même.
L'ego de l'enfant apparaît forcément le premier. Sa petite âme consciente n'apparaîtra qu'avec son premier souvenir, fixé pour toujours dans sa mémoire (c-à-d vers l'âge de trois ans). En attendant, l'enfant est régenté par son ego, qui est en général (sauf cas particulier) un petit tyran. Et sa tyrannie s'exerce naturellement sur son entourage immédiat : si ses parents ne lui résistent pas, il est capable de terroriser sa famille, mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire, cela ne le satisfait pas du tout, au contraire, cela le terrorise aussi, lui le premier : si lui, si faible et si petit, est capable de commander à ces géants que sont ses parents, qui le protègera quand il sera en danger ? Or, le premier danger est à l'intérieur de lui, c'est son ego qui le tyrannise, lui, avant de tyranniser ses proches.
Note. Il est également important de comprendre qu'un enfant très sage, qui fait la fierté de ses parents, peut quelquefois être la proie de son ego, qui le terrorise de l'intérieur en l'empêchant de s'exprimer ou d'être lui-même. Cela explique alors la dépression du jeune enfant, si elle se produit dans un contexte familial positif. (cf Psychiatrie et santé mentale).
Toute éducation commence par les interdits liés au "toucher".
Voici quelques principes simples, d'ordre général : l'enfant n'a pas le droit de toucher certaines choses, soit parce qu'elles représentent un danger pour lui, soit parce qu'elles sont fragiles, soit tout simplement, parce que ce sont des objets d'adulte qui n'ont rien à faire entre ses mains. C'est là que tout se joue. Car il veut toucher à tout, mais ce sont ses parents qui doivent décider si cela est permis ou non. Et il ne faut jamais céder après avoir dit Non, de même qu'il est néfaste de revenir sur un Oui... Tout cela s'installe lorsque l'enfant accède à l'autonomie, ce qui se fait très tôt aujourd'hui grâce au trotteur, dans lequel le bébé peut se déplacer dès l'âge de 7 ou 8 mois, sans l'aide d'un adulte.
En principe, l'enfant récidive - pour voir - il va pleurer, crier, et cela va durer quelques semaines. S'il transgresse l'interdit, il faut le gronder, lui enlever l'objet, lui taper sur la main, ou lui donner la fameuse fessée. Il est important de lui dire aussi clairement quand cela est permis : "Oui, cela, tu peux le toucher." Le résultat passera par les phases suivantes :
Je touche quand même.../... Je regarde si tu me regardes, et je touche encore.../... Je regarde si tu me regardes, et j'hésite à toucher, car j'entends à ta voix que je n'ai pas le droit, mais je touche malgré tout.../... Je regarde, je vois que tu me regardes, je sais que je ne dois pas toucher... et je ne touche pas.
Toutes ces étapes seront émaillées de cris et de hurlements. Mais quand ce sera acquis, il suffira de dire : t...t...t... pour que l'enfant renonce à toucher. Et les parents auront la paix, car cette première expérience vaudra pour tous les autres interdits. Or, on ne peut installer l'autorité par le dialogue, tant que l'enfant ne parle pas. Le dialogue suppose en effet que les deux partenaires puissent discuter. C'est pourquoi il n'y a pas de dialogue possible avec un bébé (ce qui n'empêche pas de lui parler, bien entendu). Quand les choses sont claires (c'est papa et maman qui commandent), les parents seront fiers d'avoir un enfant "bien élevé", ce qu'on a un peu perdu de vue depuis quelques décennies. Mais si cette relation d'autorité (dans l'amour) n'est pas installée, alors, les choses ne peuvent guère que se dégrader au fil du temps, et personne ne sera heureux.
On peut dire qu'un enfant capricieux cherche en réalité les limites de ses parents dans le but de recevoir enfin la preuve qu'ils sont plus forts que lui : rien de tel pour être rassuré ! Je tiens à ajouter que cela n'a rien à voir avec le fait de frapper un enfant (ce n'est pas du tout le même état d'esprit), et que du reste, la fessée peut parfaitement être remplacée par la grosse voix de papa ou de maman, en colère (cela suffit souvent). Et, de toute façon, ce régime n'est pas nécessaire longtemps : l'ego est comparable à un petit chien, une fois qu'il est dressé, on a la paix. Dois-je ajouter que cela n'exclut pas l'amour ? C'est même exactement le contraire, puisque cela consiste à privilégier l'âme de l'enfant, au détriment de son ego, capable de lui faire tant de mal...
Pour vérifier cette analyse, il suffit d'interroger les jeunes adultes ou adolescents qui ont été élevés comme des enfants-rois. Leur critique est très sévère. On peut se référer également à ses propres souvenirs d'écolier : le professeur dont on a gardé le meilleur souvenir n'est jamais celui qui se laissait monter sur la tête, mais au contraire celui qui se faisait respecter, tout en étant juste....
Autrement dit, l'éducation et la répression - de l'ego - ne doivent pas être dissociées, et cela dès la petite enfance, avant même que l'enfant accède au langage.
Si cela n'est pas fait, alors, l'ego risque de proliférer comme une mauvaise herbe, et les résultats peuvent être nombreux et variés. J'ai choisi de traiter ici ses méfaits sur le plan social, mais j'ai ouvert son dossier sur le plan psychiatrique, et sur le plan familial et religieux. Dans le procès que je prépare contre lui, tous les domaines seront examinés.
Une précision importante. Lorsqu'on a affaire à des parents indignes, qui ne s'occupent pas de leur enfant, qui le maltraitent, le frappent, l'abusent sexuellement etc, ce dossier ne concerne qu'eux : C'est à eux de comprendre que leur ego les domine, qu'ils doivent prendre conscience de leur injustice et corriger leur propre attitude. Dans ces cas-là, l'enfant est la victime de ses parents et son ego n'a pas besoin d'agir dans son psychisme : Les adultes qui ne prennent pas soin de l'enfant le détruisent à sa place. Ce n'est pas lui qui est en cause, même s'il profite de la situation...