Numéro 56 : Les rêves de prédateurs.

Février 2012

Les prédateurs dehors et dedans

Le plan extérieur et le plan intérieur se chevauchent tout naturellement. Si on a vécu un traumatisme (violence, agression, abus sexuel), l'inconscient va envoyer des cauchemars mettant en scène l'agresseur, afin de permettre au sujet de se libérer de la peur qu'il ressent encore. C'est comme si, le traumatisme n'ayant jamais été "raconté", on ne pouvait s'en délivrer.

Attention : S'il est vrai que le non-dit aggrave le traumatisme, le raconter (à un proche, à un psy, à la police...) peut être une aide - mais ne suffit pas. Celui qui doit le "raconter", c'est l'inconscient. Hélas, sa parole reste inopérante tant qu'on ne l'a pas comprise. Car il a son mot à dire, sa version des faits à exprimer, son point de vue à communiquer... à qui ? au sujet, à la victime. Comprendre que l'inconnu qui veut vous tuer en rêve est en fait quelqu'un qui vous a terrorisé dans l'enfance, permet de commencer une thérapie efficace qui va déboucher sur la liberté face à l'agresseur - et donc sur la fin de la peur : la guérison en sera la preuve.

Le danger mis en scène dans le cauchemar peut prendre n'importe quelle forme, mais l'angoisse qu'il génère est semblable à celle qui envahissait le sujet (ou qui l'envahit encore) avec telle ou telle personne. En général, on s'en souvient très bien, et prendre cette piste éclaire le rêve immédiatement. L'image envoyée par le rêve tient souvent compte de celle utilisée par le rêveur lorsqu'il raconte à quelqu'un ce qu'on lui a fait...

Exemple1. Je suis dans une rue sombre et j'ai peur car je sais qu'il va m'arriver quelque chose. Et effectivement, un homme sort de l'ombre. Il va m'agresser. Je me mets à courir, mais je n'arrive pas à avancer et l'angoisse monte en moi. Je veux appeler au secours, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je me réveille dans un état de terreur indicible.

Traduction. Ici, il s'agit d'un prédateur extérieur. À quoi le voit-on ? Le cauchemar dit que le sujet avait l'habitude du comportement de quelqu'un (il sait qu'il va lui arriver quelque chose), qu'il ne pouvait pas lui échapper (il lui est impossible de courir pour s'échapper) et que personne ne pouvait l'aider car il ne pouvait pas s'exprimer (aucun son ne sort de sa bouche). Il peut s'agir du père, de la mère, d'un proche (frère, oncle, ami de la famille)... Personne ne l'a "entendu"... Si rien ne fonctionne pendant l'enfance, il faut chercher du côté d'un partenaire sentimental qui a terrorisé le sujet, d'une situation au cours de laquelle il (elle) n'a rien pu faire, comme dans le rêve. C'est en principe très facile à trouver car cela a laissé des traces et ça reste une épreuve qu'on ne peut pas oublier.

Une fois qu'on a trouvé de qui il s'agissait, il est recommandé de terminer le rêve. On affronte l'agresseur, on lui dit : "Je t'ai reconnu, je sais qui tu es, et maintenant, c'est moi qui vais prendre la main !" On peut mettre en scène l'enfant terrorisé, et l'adulte qu'on est devenu entre dans l'image et règle le problème. On a tous les droits en virtuel, c'est pourquoi il ne faut pas hésiter à utiliser les armes de son choix : Cela s'appelle rendre justice à l'enfant qu'on a été. Détruire l'image du prédateur, c'est supprimer le pouvoir qu'il a eu sur sa victime (enfant ou adulte). Cela fait beaucoup de bien ! Il faut le faire plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus apparaître, sur plusieurs jours de suite ou même plusieurs semaines, en prenant conscience de tous les souvenirs, y compris ceux qu'on croyait avoir oubliés - et que l'inconscient va restituer au fil du processus.

Toutefois, si le rêveur n'a rien vécu de tel, il faut chercher dedans car il s'agit sans doute de l'ego. Du reste, dans ce cas, l'image résiste et il est impossible de se débarrasser du tueur : On ne peut la faire évoluer que si on en a compris le véritable sens. Les symboles peuvent être très différents, mais toujours porteurs d'une menace grave. Ce qui n'est pas identifié dans un cauchemar correspond généralement au fait que le rêveur n'arrive pas à identifier de quoi ou de qui il s'agit. Dès que c'est fait, les images des rêves suivants seront beaucoup plus claires.

Exemple2. Je suis dans ma maison. Un fauve rôde et je m'angoisse car il risque de m'agresser à tout instant. Je n'arrive pas à allumer la lumière, et je l'entends feuler tout près de moi. Réveil dans l'angoisse.

Traduction. L'ego est souvent symbolisé par un animal (fauve, crocodile, serpent, dinosaure, monstre, alien...) mais son symbole le plus universel est le diable. Un tueur peut aussi être son masque, car il veut réellement "tuer" l'âme du sujet. On le saura grâce aux discours qui occupent tout le temps la tête du rêveur :

Ici, l'ego rôde comme un fauve dans l'espace intérieur du sujet, et celui-ci n'arrive pas à "allumer la lumière", c'est-à-dire à comprendre ce qui se passe. Il suffit de se remettre dans l'ambiance du rêve, d'affronter le fauve, et de le détruire. Cela doit permettre à la lumière de s'installer automatiquement. Cependant, si rien ne se passe, c'est qu'il ne s'agit pas de l'ego, mais d'un véritable prédateur extérieur. Le rêveur sait obligatoirement de qui ou de quoi il s'agit dans sa vie. Une fois faite cette prise de conscience, il pourra vaincre son fauve onirique.

Conclusion. Un cauchemar symbolise en général (pour ne pas dire toujours) quelque chose ou quelqu'un qui a mis (ou qui met) le rêveur en danger.Le prédateur peut être extérieur (un être humain) ou intérieur (l'ego). Il peut avoir sévi dans un passé ancien ou proche. L'affronter permet de reprendre le pouvoir, même si cela demande plusieurs rêves ou plusieurs visualisations.

Dernière remarque. L'ego ne se présente pas toujours comme une menace terrifiante. Il a de nombreuses cordes à son arc : Il peut être séduisant, enjôleur, beau, eh oui ! Mais c'est un hypocrite, un menteur, un escroc. Comment savoir ? Eh bien, il y a toujours un indice pour s'y retrouver : Indifférence, grande taille, regard noir, léger défaut, comportement douteux... Il faut juste interroger l'image au réveil. Qui es-tu ? Il ne peut résister à ce type d'investigation : Il est obligé de montrer son vrai visage - même s'il s'est présenté sous le masque de Dieu lui-même ! Il faut toujours vérifier. L'inconscient donnera la réponse.