Rêve 49

Histoire de Carine : Entretien n° 3

Elle arrive, mal en point.

- J'ai mes règles, annonce-t-elle, et je suis toujours fragilisée pendant cette période. J'ai mal dormi, ou plutôt, je n'ai pas dormi du tout !

Elle a mal au ventre et la boule est revenue. Elle m'apporte plusieurs petits rêves.

- Je suis avec ma soeur. Elle est poursuivie et il faut absolument que je la protège. À tout prix !

Je lui propose une explication avec un seul code : Sa soeur la symbolise et l'urgence, c'est qu'elle prenne soin d'elle-même. Ce qui la poursuit, évidemment, c'est à la fois son violeur et son ego. Elle doit se protéger des deux. Elle est entièrement d'accord.

- Dans mon second rêve, je suis encore avec ma soeur. Elle a échoué à son concours. J'ouvre son dossier, il y a sa photo et, en gros, je vois écrit : NON.

S'agit-il de son propre échec à son "examen" intérieur ? (Je devrais dire de "notre" échec !)

- Pourtant, dit-elle, je n'ai pas l'impression d'avoir commis d'erreurs lors de notre dernier entretien. Tout ce que j'ai découvert avec vous était juste, me semble-t-il.

Procédons par ordre. Sa soeur la symbolise. Elle vient de subir un échec, mais peut-être faut-il garder le mot "concours". Concours de circonstances ? Le dossier concernerait alors son viol. Elle est allée en boîte, elle n'a pas surveillé son verre, ses copines l'ont vue partir avec un mec et elles ont cru qu'elle était d'accord... Et, comme elle n'arrive pas à digérer cet événement, elle le refuse de tout son être - d'où le NON. Carine s'y retrouve bien. Elle me raconte le troisième rêve.

- J'ai rancart avec un type. Il a l'air gentil et sympa, mais j'en ai pas envie. Il ne me plaît pas tant que ça ! Mais je ne sais pas la suite.

Ce pourrait être une évocation de sa terrible soirée. Un mec qui a montré patte blanche, mais qui ne lui plaisait pas vraiment, et avec lequel elle est finalement partie, tout en n'ayant aucun souvenir de ce qui s'est passé ensuite. Cette approche lui convient. Je lui rappelle que la petite fille apparue la fois d'avant la rend particulièrement naïve et fait d'elle une proie facile. Elle pourrait bien être une des causes de l'épreuve qu'elle a subie. Il faudra la rappeler afin de la faire grandir. En attendant, je lui propose une visualisation. Elle s'allonge et ferme les yeux. Je vise son mal au ventre et lui propose de visionner cette partie-là de son corps.

- Je vois un bébé direct ! Il est formé, mais tout compressé... Il veut sortir, mais le cordon tire pour le ramener à l'intérieur.

L'inconscient confirme l'urgence de grandir non seulement par rapport aux parents, mais aussi par rapport à cette épreuve, et même par rapport à la vie en général. Il faudrait qu'elle coupe ce cordon.

- C'est bon. J'ai coupé. Il est sorti, quelqu'un l'a récupéré.

Je lui demande de le regarder. "Vous vous reconnaissez ?"

- Non. Je vois un bébé qui sourit, pas trop de cheveux, jambes croisées, bras contre lui. Je ne ressens rien...

Je suis toujours prête à tout, car tout est possible. Comme il ne semble pas que cet enfant la représente, il faudrait savoir qui il est. Je pense à l'ego, mais il faut le vérifier. Je lui suggère de le faire grandir. La croissance est immédiate.

- C'est un homme. C'est mon père... Jeune, comme sur les photos...

Je suis surprise. Comment est-ce possible ? Elle m'explique qu'elle se sent facilement responsable de lui, lorsqu'il a un problème, c'est à elle qu'il se confie. Je lui conseille de douter un peu, car cela me semble excessif, bien que je sois prête à entériner cette mise en scène, si l'inconscient confirme l'identité paternelle. Or, il se met à lui tirer la langue... "Regardez bien ses yeux !" lui dis-je, leur expression va nous guider.

- Il a des yeux globuleux, ce n'est plus du tout mon père !

C'était bien son ego. Il faut le détruire. Elle le coupe à la hache, puis elle lui met le feu. Mais pourquoi son père ?

- Je le vois. Cette fois, c'est bien lui. Il me prend la main, on dirait qu'il va pleurer. Il me dit qu'il m'aime. Avant cette histoire, on n'avait jamais parlé de choses intimes. Depuis, on s'est beaucoup rapprochés... Ah, ça me donne mal au coeur ! Je suis assise sur le lit où j'ai accouché tout à l'heure. On se regarde, on se sourit, il me prend dans ses bras, je suis toute petite, il me fait sortir de cet hôpital, il marche devant et me tire par la main, j'ai du mal à le suivre...

- Peut-il vous prendre dans ses bras ? Pour grandir, un enfant doit se sentir aimé.

- Là, ça y est, je me vois grande ! On part tous les deux, les mains dans les poches, on prend deux portes différentes pour sortir. Chacun son chemin. Il s'en va dans sa voiture et moi dans la mienne.

Le film est terminé, elle n'a plus aucune image. Je n'ai pas tout compris. Il faut pourtant mettre des mots sur ce qu'elle a vu. Il semble qu'elle ait eu besoin de l'aval paternel pour dépasser une situation (= ce viol) qui l'avait conduite à l'hôpital (= symbole de la souffrance de l'âme). Elle vient d'en sortir. Il se peut que son père soit pour elle un modèle masculin suffisamment positif pour qu'il puisse l'aider à retrouver son intégrité. Ou bien, il est une image de son homme intérieur. Je doute. Pour vérifier, et sans grand espoir, j'appelle sa mère.

- Je la vois, assise, jambes repliées sous elle, regard vide, triste. Je lui parle. Allez ! Lève-toi ! Il faut aller de l'avant ! Arrête de pleurer, le bonheur est devant toi, pas derrière. J'ai envie de la rassurer, mais elle ne veut pas venir !

C'est le discours qu'elle doit se faire à elle-même, pour sortir de sa déprime. "Regardez-la bien. C'est vous, n'est-ce pas ?"

- Absolument, dit-elle aussitôt. Je me lève, je m'envole en fait, et je fais : Yes ! C'est dingue ! J'ai l'impression d'écrire un livre...

Nous terminons avec son ventre. Elle le sent déjà beaucoup plus souple. Elle visualise un gros noeud sous le nombril, le défait.

- C'est un peu rouge, mais dans l'estomac, il y a carrément le feu !

Ce pourrait bien être le feu de sa colère, à cause de cette histoire qu'elle n'arrive pas à "digérer". Je lui conseille d'éteindre le feu avec l'eau de son inconscient, cette eau vivante, faite pour calmer toutes nos souffrances. Et ça marche. Elle ajoute qu'elle ne voit pas la boule, mais qu'elle la sent tous les matins au réveil. Elle passe après le thé. En fait, ce n'est plus la boule, c'est le bras, contracté et dur. Elle l'enlève une fois de plus.

Quand elle s'en va, elle est très détendue, son mal au ventre est resté sur mon matelas.

*