Rêve numéro 46

Nancy. Entretien 5

La croissance de l'âme permet de quitter l'enfance et de déboucher tout naturellement sur l'âge adulte. Dans ces cas-là, la relation avec les parents change. Ils se réajustent automatiquement à la nouvelle condition de leur "enfant" qui, justement, n'en est plus un ! Une relation très différente, basée sur le respect mutuel, s'installe. Dans ce nouveau fonctionnement, la célèbre formule : "Je suis ta mère, et tu me dois le respect", n'a plus cours. Le parent qui respecte son fils ou sa fille reçoit tout naturellement en retour ce respect qui n'est plus la marque d'une obéissance infantile, mais la marque d'une relation saine - d'égal à égal.

C'est la question que je pose à Nancy en début d'entretien : - Avez-vous remarqué une évolution avec vos parents ?

- Je n'ai pas rencontré mon père, me précise Nancy, mais j'ai vu ma mère. Elle est très fatiguée. Souvent, le dimanche soir, je me sentais obligée de rester dîner, mais là, très naturellement, j'ai dit non. J'ai parlé de mon travail, d'un collègue qui me drague et que j'ai repoussé. Ma mère m'a dit : "Ce n'est pas grave, tu en trouveras une autre !" D'habitude, elle me rétorque des remarques du genre : "Tu te fais pas des idées ? Tu ne laisses pas le temps aux choses... Tu es sûre de toi ?" C'est incroyable comme c'est blessant, et là... J'ai senti qu'elle me donnait raison, qu'elle me comprenait, et c'était très nouveau : ça fait plaisir !

C'est très bon signe. Sa mère ne réagit plus comme avant parce que Nancy a changé, elle le sent, elle le sait et du coup, elle trouve spontanément une autre attitude, nouvelle, et en accord avec l'évolution de sa fille. À titre de vérification, je lui demande d'appeler la petite Nancy. "Je ne vois rien, dit-elle, elle n'apparaît plus, y a personne !"

Quand l'enfant resté en soi a grandi, il ne peut plus apparaître - puisqu'il n'est plus là ! Le sujet est pleinement adulte, et son inconscient le lui confirme de cette façon-là. Il faut toutefois vérifier que les parents ont, eux aussi, quitté l'espace intérieur de Nancy.

- Et votre mère, vous pouvez la voir ?

- Oui, dit-elle aussitôt, je la vois comme elle est aujourd'hui, fatiguée, atteinte par la maladie. Ce n'est plus oppressant comme ça l'était. Je lui en voulais d'être malade, alors qu'aujourd'hui, je suis simplement inquiète - normalement inquiète de son cancer.

Je m'informe au sujet de son père.

- Lui, me dit-elle, c'est réglé. Je ne le vois pas, j'ai beau chercher, il n'est plus avec moi et je le sens aussi dans ma relation avec lui, quand je pense à lui, ce n'est plus pareil.

Je propose d'achever le travail avec sa mère, sachant que ce n'est pas obligatoire, et que nous pouvons laisser les choses en l'état.

- Bon, dit-elle, on essaie, on va bien voir, comme ça, je saurai ! [...] "Allez, maman, rentre chez toi, et laisse-moi avec moi..." [...] Elle s'en va. C'est bizarre, ça ne m'a jamais fait ça : Elle s'est retournée, l'air de dire : Tu es sûre ?... Et elle continue son chemin. Elle rentre chez elle. [Elle souffle...] Je me sens à la fois plus libre... et peinée...

Il faut bien comprendre ce qui se passe là : Ce n'est pas sa mère qui agit en elle, c'est plutôt Nancy elle-même, qui n'est pas totalement d'accord avec ce départ, c'est pourquoi elle prête à sa mère ce qu'elle ressent au fond du coeur. "Tu es sûre ?" correspond à ce doute qu'elle ressent en elle-même et qui vient du fait que sa mère est malade. Car en réalité, elle n'est pas sûre du tout de vouloir la lâcher aujourd'hui.

- Rappelez-la, lui dis-je. Et gardez-la encore avec vous. Vous n'êtes pas prête, ce sera pour une autre fois ! Vous le ferez quand elle sera complètement guérie.

- Oui, dit-elle aussitôt, je préfère !

Pour moi, l'essentiel est fait. C'est pourquoi je lui propose d'appeler son âme-frère.

- Il doit être disponible maintenant ! Il est votre partie masculine, prête à vous rencontrer, selon mon diagnostic.

Elle ferme les yeux. "Oui, je le vois, assez grand, brun, carré, solide. Je ressens de l'affection, de la sécurité, du partage, de la confiance..."

Je lui demande de faire le test : Qui es-tu ?

- Il m'explique qu'il fait partie de moi, il est ce que je recherche, il a quelque chose de lumineux autour de lui. Comment définir ce que je ressens ? Sincérité... sans danger, quoi ! Il est moi... Force, sérénité... (Je lui conseille de lui parler, d'établir le dialogue) De l'avoir trouvé, ça me donne confiance. C'est dingue ce que vous me faites faire ! Je me sens très apaisée et j'ai une certitude : Peu importe ce qui va m'arriver maintenant, quoi que ce soit, ce ne peut être que le meilleur. Je ne vais plus être dans cette obsession de rencontrer quelqu'un !

*

J'arrête là l'histoire de Nancy. Sa relation avec ses parents est restée stable et saine et elle a achevé la libération par rapport à sa mère. Sachez seulement qu'elle a eu d'autres problèmes à résoudre, ce qui est normal, mais sa confiance en elle croît et son évolution continue. Aujourd'hui, elle n'a pas encore rencontré, à ma connaissance, l'homme qui pourrait être le père de ses enfants.