Rêve numéro 42

On m'a fait remarquer - à juste titre - que les progrès et le devenir de chaque rêveur ou rêveuse restaient un mystère pour les lecteurs de mon site. J'ai donc décidé de mettre en ligne l'historique d'une rêveuse, son évolution au cours de nos séances, et le discours de son inconscient dans ses rêves, au fur et à mesure qu'elle les comprenait.

Je vous présente donc Nancy , avec laquelle nous allons rester pendant quelques mois.

Elle a trente-huit ans, est célibataire, travaille comme secrétaire dans une grande boîte. Sa mère vient de déclarer un cancer du sein et l'angoisse qu'elle éprouve l'a poussée à chercher quelqu'un pour l'aider à traverser cette épreuve : Elle est très proche de sa mère. Trop. Elle s'est rendu compte de certaines choses, mais ressent un blocage, n'arrive pas à lui dire des choses, de peur de la culpabiliser, surtout maintenant qu'elle est malade...

- Je lui rends service en permanence : courses, ménage, ordinateur... pour être aimée. Mais j'ai le sentiment que cette maladie va m'empêcher encore plus de vivre pour moi. Exemple : Le week-end dernier, j'ai eu une angine blanche. Le médecin m'a dit de ne pas sortir, de rester au chaud afin de récupérer. Pourtant, dimanche, il a fallu que j'aille réparer son ordinateur. J'ai essayé de dire non. Son silence était éloquent. Je n'ai même plus le droit d'être souffrante ! J'y suis allée, mais à contre-coeur. Et c'est comme ça tout le temps. Il faut que je fasse des choses pour lui faire plaisir... Sa maladie aggrave ma docilité, j'ai peur de lui saper le moral, je me sens coincée et ne sais plus ce que je dois faire.

À ma demande, elle me parle de son enfance : Ses parents formaient un couple difficile. Quand ils ont divorcé, elle avait dix ans. Elle a toujours manqué de l'affection de sa mère. Elle ne l'a "adoptée" (dit-elle) qu'après le départ de son père... Elle a élevé ses enfants dans le respect d'autrui - quel qu'il soit. "Cela m'ôte toute possibilité de me défendre contre les injustices qui me sont faites," conclut-elle.

Son cas est très courant. Je lui propose mon diagnostic.

- Il reste en vous une petite fille qui n'a pas pu grandir à cause du manque d'amour de sa maman. Cette petite fille attend toujours d'elle d'être aimée - c'est elle qui vous met au service de votre mère, pour obtenir cet amour dont elle a besoin. Malheureusement, ce n'est pas ainsi que ça fonctionne, car la petite Nancy est invisible pour tout le monde. Votre mère a manqué le coche quand elle était physiquement là, maintenant, c'est trop tard. Elle ne voit plus que l'adulte et elle ne vous donnera pas ce qu'elle vous a refusé pendant votre enfance. Or, cette enfant, vous seule pouvez la voir, vous seule pouvez lui donner l'amour qu'elle n'a pas reçu. Car il faut la faire grandir, et pour cela, il faut tenir compte de sa présence en vous. Que pensez-vous de cette analyse ?

- Eh bien ça me remue, je sens que c'est juste, mais comment faire pour m'occuper de cette petite fille ?

Je lui propose de faire l'expérience tout de suite. Il suffit de fermer les yeux et de l'appeler. Elle vient tout de suite. "Elle pleure, elle a peur, dit-elle, il fait noir, c'est ma chambre d'enfant. "

Le test est positif, le diagnostic était juste. Les émotions sortent, c'est bon signe.

- Des années sans pouvoir pleurer sur moi, dit-elle... Sa maladie m'a mise en colère ! Je lui en voulais, ça m'empêchait d'être moi-même, il va encore falloir que je m'occupe d'elle, au lieu de moi... Y en a marre... Je veux me construire, régler tout ça, vivre avec quelqu'un, avoir un enfant...

Les choses sont beaucoup plus claires ! Elle a un rêve assez fort, qu'elle a l'impression d'avoir fait plusieurs fois.

- Je suis dans une pièce, une sorte de cave voûtée, avec plein de vieux ordinateurs, des voyants partout, des unités centrales collées au mur, deux frigos, l'un est vide, l'autre plein, mais il ne veut pas se fermer. Je n'arrive pas à remettre le courant. Je flanque un grand coup de pied au frigo plein, il se vide. Je ferme la porte, le courant revient...

Cette cave est certainement le symbole de l'utérus, autrement dit, elle est une image de sa mère. Le rêve lui dit qu'elle est toujours dans la dépendance de sa mère, et que ça ne fonctionne pas : rien ne marche. Les appareils évoquent sa mère et elle-même. Le frigo froid et vide parle de froid et de vide affectif. Celui qui est plein pourrait représenter Nancy elle-même, son trop-plein, son ras-le-bol, son besoin de parler, sa fatigue de toujours devoir "la fermer". Elle n'y arrive plus...

- Oui, dit-elle en riant, et je me flanque un grand coup de pied au cul pour me forcer à tout déballer !

- C'est bien possible. Et quand vous aurez vidé votre sac, vous pourrez enfin "la fermer" sans que ça vous coûte. Le courant passera de nouveau à ce prix !

J'ajoute pourtant que le courant passera surtout entre Nancy et elle-même, car elle sait combien elle a besoin de s'exprimer et que cela remettra en marche son accord intérieur. C'est également probable entre sa mère et elle, mais seule l'expérience le lui confirmera.

Je lui dis de surveiller ses rêves et de les noter soigneusement en attendant notre prochain entretien, la semaine suivante.

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