Rêve numéro 34

La rêveuse.

Lisa a subi une enfance sans amour. Une mère indifférente, un père dur et injuste, et le grand-père maternel qui a refait avec elle ce qu'il avait imposé à sa fille. Elle a compris à ce moment-là pourquoi et comment elle avait su que sa mère avait été violée, car le grand-père lui disait : "Tu dois l'accepter, car ta mère aussi, a fait ça avec moi."

Lisa a eu des moments de mieux-être, une évolution qui allait dans le bon sens, mais, après toutes ces découvertes ou souvenirs difficiles, elle a fini par replonger. De nouveau, elle était très mal, et me disait qu'elle ne pourrait sans doute jamais guérir.

Or, dans ses visualisations, elle voyait toujours la petite Lisa avec du sang entre les jambes. Nous avons donc exploré de nouveau sa toute petite enfance et elle a eu accès au premier abus sexuel, un voisin de la maison, qui avait exercé sa pédophilie sur son frère, sa soeur - ce qu'elle savait déjà - mais aussi sur elle. Elle avait deux ou trois ans...

La thérapie.

Il faut rendre justice à cette petite fille, innocente et odieusement utilisée par un adulte indigne du nom d'être humain. Il faut le faire en virtuel. Lisa l'avait fait avec le grand-père, et dans cette séance, avec ce voisin. Elle est intervenue dans la visualisation en tant qu'adulte, elle a massacré le violeur, l'a jeté par la fenêtre de la chambre où cela se passait...

- Il est tombé sur la cave à fuel, je suis descendue, je prends une hache, je le coupe en petits morceaux, je le pique, le découpe, je brûle ce putain de mec, je lui crache à la gueule, j'y mets le feu... Je ramasse tout et je mets tout dans les chiottes et je tire la chasse d'eau ! Je me sens... comme si je n'avais plus de force, comme si j'étais sous médicament, j'ai des courbatures partout, mal dans tout mon corps... Je me sens vide physiquement...

Je lui propose de se mettre dans un bain virtuel et de se laisser porter et régénérer par l'eau chaude. Elle s'y est mise tout de suite, a senti des fourmis dans ses jambes. Je lui ai dit de les voir sortir par les pieds et s'évacuer par la bonde. Ensuite, elle a senti sa tête lourde. Dedans, il y avait une poche de sang, qui symbolisait sa souffrance ancienne. Elle l'a sortie et vidée dans les toilettes.

Elle a vu alors une pluie de pétales de roses sur l'eau et un corps dans un cercueil ouvert. Et personne dedans. C'était une image paisible, qui semblait lui dire : Voilà, c'est fini, finalement, tu n'es pas morte. Tu aurais pu, mais tu es vivante et la vie peut recommencer. Je l'ai écoutée parler de son ressenti, de ce qu'elle avait compris à postériori, de liens qu'elle pouvait faire tout à coup avec certains souvenirs. Je la sentais beaucoup plus calme. Je le lui ai dit.

- Oui, je me sens totalement différente du début de la séance. Finalement, ça n'a pas été si difficile que ça ! Je suis fatiguée, mais pas éreintée, comme les autres fois. Je suis soulagée, c'est bizarre, je ne m'y attendais pas du tout ! Je ne me voyais pas faire quelque chose d'aussi positif et aussi radical. Je suis heureuse d'en avoir fini. Car c'est fini, je le sens. J'ai l'impression d'avoir reçu un énorme cadeau. C'est fini. FINI...

C'était la 35ème séance, sur une durée de 20 mois. Je lui ai donné un rendez-vous bilan, le dernier. Elle avait fait un rêve.

Le rêve.

Il y a une petite fille de 5-6 ans auprès de moi. Je lui demande si elle veut des chaussures. - "Non, dit-elle, j'ai de bonnes chaussettes et de bonnes chaussures." Je lui propose alors un poncho. Elle le refuse aussi, elle n'en a pas besoin. Alors, je monte sur un cube en béton, et je crie très fort : "DOUZE !"

Traduction.

Cette petite fille est la nouvelle Lisa. Elle n'a plus besoin de rien, elle est bien équipée : les chaussettes et les chaussures symbolisent son propre aspect féminin, solide et de bonne qualité. Le poncho est superflu : elle ne souffre plus de froid affectif. Elle est guérie. Je précise que cette enfant n'est pas un reste d'enfance : C'est la véritable identité de Lisa, son âme qui émerge dans sa zone consciente et avec laquelle elle est enfin connectée. Elle le confirme en criant : "Douze", qui parle d'un cycle qui s'achève, d'un accomplissement. Le travail sur le passé est terminé. Et le rêve n'est pas le seul à le dire : Tout son entourage a remarqué ses nouveaux comportements. Elle est resplendissante, gaie, active, pleine d'énergie. Elle se sent guérie et elle l'est vraiment.

Bonne route, Lisa !

Commentaire :

Je tiens à dire à ce sujet que tout le vécu subi à un âge où on croit ne pas pouvoir avoir de souvenirs, reste incrusté dans l'inconscient, à la disposition du sujet, et accessible s'il le souhaite.

[Françoise Dolto l'a bien fait apparaître dans "Séminaire de psychanalyse d'enfants". La différence entre nous, c'est que dans son travail, les souvenirs surgissent spontanément au cours d'une séance avec l'enfant, alors que moi, j'interroge l'inconscient et j'appelle systématiquement le souvenir de ce qui s'est passé. Quand il s'est passé effectivement quelque chose, l'image se présente et l'adulte se souvient...]

Je m'adresse ici à tous ceux qui sont mal et ont des doutes sans certitude absolue, mais aussi aux violeurs et abuseurs de tous ordres : Le bébé que vous martyrisez pourra se souvenir quand il sera grand. L'inconscient garde les images, c'est comme un film qu'on peut développer et qui est la réponse indélébile au terrible mal-être qui va persister pendant toute la durée de la vie - jusqu'au moment où on interroge "sa boîte noire" personnelle. Que se détrompent aussi ceux qui pensent : Je peux lui faire ce que je veux, elle est trop petite, elle ne se souviendra pas, donc ça n'a aucune importance. C'est faux, cela brise une vie, il faudrait que tout le monde le sache ! Enfin, déposer plainte pour ce genre d'abus, entendre le violeur reconnaître les faits, le voir puni d'une peine de prison - c'est très bien. Mais ça ne suffit pas à guérir.

Pour vraiment guérir, il faut "tuer" l'agresseur - mais en virtuel seulement. Car cela revient à "tuer" le POUVOIR qu'il a eu et a encore sur soi. Le tuer vraiment, tuer son corps, est un leurre. Cela ne soulage pas et, de plus, cela peut envoyer en prison. Ce n'est pas une bonne solution. La vraie solution est celle vécue par Lisa et décrite plus haut. Et ce qui est inouï, c'est que cela fonctionne toujours. J'en ai une expérience suffisamment fréquente aujourd'hui pour pouvoir l'affirmer.

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