Rêve numéro 17

La situation. Sarah vient me voir parce qu'elle n'en peut plus. Objectivement, elle est dans un contexte familial favorable, entourée de gens qui l'aiment et qu'elle aime. Et pourtant, elle est dans un état d'angoisse permanente, elle se sent exténuée, manque de sommeil, et c'est le micmac dans sa tête. Son médecin a diagnostiqué du surmenage mental mais, au fil des semaines, la situation s'aggrave au lieu de s'améliorer. L'interprétation de ses rêves et la visualisation la soulagent presque immédiatement. À la quatrième séance, elle aborde l'entretien en disant que ses soucis ne tiennent plus, et qu'elle a la conviction qu'elle va bientôt trouver la solution à des problèmes anciens et parfaitement connus, qui lui font maintenant beaucoup moins peur. Ce jour-là, elle apporte aussi un rêve.

Le rêve. Je suis chez moi, en bas, et des déménageurs arrivent avec les meubles du futur propriétaire de la maison. Je me souviens alors que je l'ai vendue. Le futur propriétaire est là, c'est un taxi que je connais dans la réalité, et avec qui j'ai de bons rapports. Il arrive donc avec sa femme, bien avant la date prévue, pour entreposer leurs meubles, comme je le leur avais moi-même proposé. À un moment, je vois un buffet passer et, soudain, un brutal changement s'opère en moi. Je ne peux plus vendre cette maison. Cette prise de conscience est comme une descente aux enfers. Je pleure beaucoup, je dis que j'arrête tout, et que ma décision est très ferme. Certes, je suis embêtée de le leur annoncer : Ils étaient tellement heureux de s'installer là ! Mais c'est irrévocable. J'ai changé d'avis, je ne peux plus, et je ne veux plus.

L'interprétation. J'essaie d'abord de lier le rêve à la situation problématique connue, qui occupe le mental de la rêveuse depuis de longs mois. Cela pourrait effectivement coïncider. Cependant, elle ajoute qu'elle a vécu une semaine lourde de stress.

- J'ai un ami, Roger, que je soutiens depuis de longues années. Sa femme l'avait viré au bout de deux ans de mariage, et depuis, il est l'amant d'une femme mariée qui lui promet toujours qu'elle va le rejoindre - et qui n'est jamais là. Il passe sa vie à l'attendre. Cela fait cinq ans que je l'écoute régulièrement me raconter ses espoirs et ses déceptions, ses angoisses et sa solitude. Ces derniers temps, il est beaucoup venu. Elle lui avait promis de passer ses vacances avec lui et, finalement, elle est partie avec son mari, comme d'habitude. Il était effondré, il en perdait la raison, j'ai même eu peur qu'il se suicide. Je sentais quelque chose de grave, et je l'appelais au téléphone pour le remonter et l'empêcher de commettre un acte irréparable. Dimanche, il est arrivé chez moi, comme un zombie, en pleurs. Mes enfants et mon mari ne peuvent plus le supporter, car c'est toujours la même situation, ça n'a pas de fin et ça n'en aura jamais. Je l'ai emmené aux urgences, je me suis exclusivement occupée de lui, j'ai essayé pour la millième fois de lui expliquer qu'il n'avait pas d'autre solution que de rompre définitivement. Mais il continuait à me dire que non, qu'il ne pouvait se passer d'elle, etc... Le lendemain, il a rencontré le mari, et mercredi, il s'est saoulé et a pris des médicaments, puis il a rendu visite à tous nos amis qui m'ont tous téléphoné pour me dire : "Roger va très mal." Dimanche matin, sa maîtresse m'appelle pour me dire qu'il s'est ouvert les veines devant son portail. J'ai explosé : "J'en ai marre ! Occupe-t'en !" J'avais de la famille à la maison, et j'ai estimé tout à coup que j'en avais fait assez et même beaucoup trop. Le comble, c'est que j'ai appelé son oncle qui m'a répondu : "Je sors de l'hôpital. Merci de vous en occuper !" C'était le pompon. J'ai dit Stop. Hier matin, Roger m'appelle : "Tout va bien, apporte-moi mon téléphone et de quoi m'acheter des cigarettes. J'ai décidé de tourner la page." J'étais tellement abasourdie que je n'ai rien pu répondre, mais je ne suis pas allée le voir. Il m'a rappelée et je lui ai dit : "Stop ! Je ne peux plus rien pour toi. Je ne suis la poubelle de personne. Mère Thérésa, c'est fini." Et vous ne pouvez pas savoir combien cela m'a soulagée. J'en ai profité pour raconter l'histoire à tous ceux qui m'ont exploitée comme lui, par exemple mon beau-père et mon amie de Marseille. Et je leur ai dit : "C'est pareil pour tout le monde, et pour vous aussi. La fontaine est tarie." Depuis, une expression me tourne dans la tête : 'De l'inutilité des choses'. J'ai toujours vécu là-dedans. Quand j'étais petite, je n'ai connu que ça : les femmes battues qui venaient se réfugier chez nous, celles qui étaient bafouées, et mes parents qui essayaient de rabibocher les couples à la dérive. Pour moi, désormais, c'est fini. J'ai compris quelque chose : Je croyais qu'il était mon meilleur ami, alors qu'en fait, moi, j'étais sa meilleure amie, mais ça ne fonctionnait que dans un sens. Là, je me sauve moi-même, c'est tout. Car j'ai compris l'inutilité des choses... J'ai appris ça aujourd'hui.

Tout en l'écoutant, je me rendais compte que son rêve parlait en fait de cette situation précise, dont elle avait brusquement pris conscience. Nous l'avons relu ensemble et elle a vu combien la symbolique était pertinente. En fait, elle était cette maison dans laquelle elle permettait aux autres de s'installer à sa place, à son détriment et à celui de ses enfants et de son mari. L'entrée dans son inconscient, en réglant d'autres problèmes, lui a tout à coup ouvert les yeux sur cette situation épuisante. Le soulagement a été spectaculaire.

Depuis, elle a installé avec les autres de nouvelles relations, plus justes et plus réconfortantes pour elle, dans lesquelles elle ne s'épuise plus sans résultat. Bizarrement, depuis qu'elle a arrêté son soutien inconditionnel, Roger a suivi son conseil et trouvé une autre copine...

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