Rêve numéro 15

Situation. Il s'agit d'un homme, la cinquantaine, bonne situation, marié, des enfants adultes. Il vient me voir pour un problème de couple (relativement mineur) et me déclare, lors de la seconde séance, qu'il souffre de migraines depuis plus de dix ans.

- La première fois, dit-il, j'étais en déplacement pour mon travail et j'avais pris l'avion. La douleur est montée, si forte, que je ne pouvais plus ni écouter, ni parler, comme si, dans ma tête, je n'avais plus rien. J'ai dû consulter et le médecin m'a ordonné des comprimés. Depuis, j'en ai toujours dans ma poche et j'en consomme énormément. La migraine vient tous les dix jours à peu près. Je prends mes comprimés dès que je sens la douleur venir. Mais ça reste intolérable, je suis incapable de me concentrer ou de comprendre ce qu'on me dit et aucun traitement n'a eu le moindre effet sur moi.

Lors de la séance précédente, j'avais déjà diagnostiqué que le vrai problème de Michel était sa mère. Il avait volontiers reconnu qu'elle était à l'origine de ses difficultés avec son épouse.

- C'est une vieille femme méchante, hargneuse, qui fait tout pour me compliquer la vie. Mon père fuyait la maison pour avoir la paix. Moi, je me sens obligé de m'occuper d'elle. Je vais lui faire ses chèques, mais elle fait exprès de ne pas les donner ou de les perdre pour que j'y retourne. Elle est tout le temps dans un rapport de force avec moi. Elle dit du mal de moi aux gens qui s'occupent d'elle, m'accuse de vouloir lui voler son argent, alors que c'est moi qui règle ses factures. Elle n'est jamais contente, me reçoit mal, me fait constamment des reproches, me tyrannise, me fait d'âpres réflexions, comme si je souhaitais sa mort. Elle habite à quatre-vingts kilomètres de chez moi et je vais la voir une fois par semaine, quelquefois davantage. Mais elle n'a aucune gratitude pour tout ce que je fais pour elle, malgré toutes mes argumentations pour me défendre, j'ai toujours tort. Elle dit de moi : 'Mon fils, c'est un bandit.' Cela me fait mal, mais que puis-je faire ? L'abandonner, la laisser mourir ? Je ne peux pas. Pourtant, elle m'empêche de vivre, elle me pourrit la vie et mériterait que je ne m'occupe plus d'elle. Mais je ne peux pas.

À la fin de la première séance, il avait repris rendez-vous, décidé à essayer de régler le problème. Et voilà qu'il me mettait sa migraine en avant.

La thérapie. Je propose la visualisation, et j'avertis que, dans la tête, la migraine est souvent liée aux raisonnements de l'ego, qui cherche à empêcher le sujet de comprendre quelque chose. Ici, évidemment, si c'est le cas, ce sera lié à la mère, dont l'ego est l'allié le plus sûr. "Tu n'as pas le droit de faire autrement, tu dois t'occuper d'elle, tu n'as pas le choix." Ce qui est vrai, mais il y a une solution et j'espère que nous allons la trouver ensemble. Il s'allonge et, après une courte relaxation, je lui demande de visualiser la douleur dans la nuque et le cerveau.

- Oui, je vois un trou. Quelque chose passe au milieu. Le trou se resserre, comprime cette chose au milieu. C'est mon cerveau. Il est volumineux, mais tout boudiné.

- Essayez d'élargir ce trou.

- Oui, dit-il, quand il s'élargit, je n'ai pas mal. Quand il se resserre, il se boudine et je ressens la douleur. Ah ! J'ai mal ! C'est une poche opaque, et mon cerveau est dedans. Je souffre... (Il gémit de douleur).

Mon travail consiste à identifier les images qu'il me décrit, si je veux qu'il ait un pouvoir dessus. La poche me met immédiatement sur la piste de l'utérus. Je le lui propose. C'est comme si son mental était étouffé sous l'emprise maternelle, comme s'il était toujours enfermé dans la poche utérine, qui empêche ses facultés intellectuelles de se développer, dans sa relation avec sa mère. Je lui demande s'il peut ouvrir cette poche au couteau, afin de libérer, non pas l'enfant en lui, mais son fonctionnement cérébral, vis à vis de sa mère. Je vise l'autonomie mentale.

- Oui, dit-il après quelques secondes. Je l'ai coupée et je tire dessus. Mon cerveau se délie, il se déplie, il prend sa place. Ah... Je suis bien, là... Il est lisse, il est... gris perle, on dirait qu'il respire. Je le vois respirer, comme des poumons. Il s'est développé d'un seul coup ! À ce moment-là, j'ai eu très très mal, mais c'est passé tout de suite. Maintenant, il occupe toute la place. Il respire lentement, il manquait d'air. Là, ça y est, il a pris un rythme normal, je ne vois plus le trou. L'image est saine, normale. Je suis bien.

J'explique (car il faut toujours mettre des mots, si possible justes, sur les images envoyées par l'inconscient) que son cerveau le symbolisait entièrement dans ses fonctions cérébrales et que la libération de cet organe devrait pouvoir lui permettre une nouvelle relation avec sa mère, hors rapport de force. Elle se positionnera différemment si elle sent qu'elle n'a plus le pouvoir de faire levier sur son fils. Si la migraine revient, il lui faudra refaire la visualisation et se débarrasser de nouveau de l'enfermement maternel. J'ajoute que la vieille dame ne le fait pas exprès, ce n'est probablement pas chez elle un comportement conscient, volontaire. Elle l'a installé et maintenant, elle s'y tient. Mais si lui, il s'en libère, elle sera obligée d'évoluer avec lui. Les choses étant bien claires, je lui propose d'aller faire un tour du côté de sa colonne vertébrale qui le fait parfois souffrir.

- Je la vois, dit-il. En bas, il y a un gros noeud, une grosse boule, avec des... qui s'entrelacent. Oui, ce sont des serpents, je vois plusieurs têtes, ça forme une boule.

Je ne suis pas surprise. L'ego faisait ses choux gras de la situation, qu'il bloquait en empêchant Michel de dire Non, tout simplement. Il lui suffisait de garder intact le pouvoir de sa mère pour en profiter lui aussi. Je conseille de les enlever si c'est possible, de les sortir et de les tuer. Michel le fait sans difficulté. Il voit alors le bassin, les vertèbres, de couleur claire, les os bien dessinés, c'est net et propre. Il regarde et vérifie partout. Il n'y a plus rien et il se sent très bien, soulagé, mais très fatigué. C'est normal, c'est un véritable travail.

La séance a duré deux heures. Michel est éberlué. Il dit que toujours, même en dehors de ses migraines, il sentait un point sur sa nuque, en permanence. Et là, il est parti. Il se sent libéré au-delà de tout espoir.

Cinq mois plus tard, il est revenu pour d'autres problèmes qui résistaient aux médicaments et m'a confirmé que sa migraine n'est jamais revenue. Plus de cachets, plus de douleur. Quant à sa mère, elle ne lui pèse plus comme avant, il ne se laisse plus manipuler et la relation a beaucoup évolué dans le bon sens.

- Elle change, son vocabulaire change aussi. Je sais lui dire Non, elle devient moins arrogante, moins agressive, plus calme, plus détendue. C'est exactement ce que vous m'aviez prédit, et ça me change la vie.

Selon mon expérience, la situation n'est pas complètement réglée, même si elle s'est largement améliorée. Je pense raconter la suite dans un rêve ultérieur.

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