Rêve numéro 13

La situation. Béatrice a 10 ans. Elle vient avec sa maman, suite à un événement qui a bouleversé la famille. En effet, son grand frère Maxime, lui a imposé de lui "sucer le zizi". Cela a commencé lorsqu'elle avait six ans et lui dix. Elle a récemment dévoilé le pot aux roses. La maman m'a d'abord amené le frère et nous avons essayé d'expliquer et de régler son problème. Le garçon a compris beaucoup de choses et va beaucoup mieux. C'est maintenant au tour de la petite soeur.

Le rêve. Elle l'a fait quatre fois en une semaine, depuis la rentrée des classes.

- Je suis sur une feuille flottante avec ma copine Marie, sur un petit lac. Soudain, apparaît une sirène. Il nous dit de nous asseoir au bord du lac. C'est une sirène homme. Avec sa queue, il projette Marie contre un mur. Elle le heurte avec sa tête et je vois qu'elle a un trou dans le crâne. C'est tout mou. J'ai peur. Ma maîtresse arrive. Elle s'inquiète pour Marie. Elle lui demande ce qui lui est arrivé et elle va la soigner.

L'interprétation. Ce rêve dit beaucoup de choses, le symbole le plus évident étant celui de la queue. Dans un rêve, ce mot évoque généralement le pénis, comme dans le vocabulaire familier. La feuille flottante pourrait être la petite fille elle-même, qui "flotte" par rapport à la situation, ne sachant où se trouvent les limites de l'acceptable. Dans ce cas, le lac serait sa propre inconscience en relation avec cette même situation. Mais ce n'est pas l'essentiel. Il faut surtout que j'explique à Béatrice que Marie la représente. Elle a un peu de mal avec ça. Pour elle, Marie, c'est Marie, ce qui est tout à fait normal. Je m'attache à lui faire comprendre que son inconscient lui présente différents aspects d'elle-même sous des formes susceptibles de ne pas lui faire trop peur. Car Marie est blessée et cela est moins effrayant que si c'était elle qui avait eu la tête projetée contre le mur. Pourtant, sa petite copine n'a jamais rien vécu de tel. Elle en convient, mais elle ajoute qu'elle non plus !

- Si, car toi, tu as été blessée par le comportement de ton frère. C'est donc bien de toi qu'il s'agit. Regarde l'homme sirène : C'est sûrement ton frère, qui a utilisé son pénis contre toi. Or, le zizi d'un garçon a de nombreux noms, parmi lesquels, justement, la queue.

La maman n'y avait pas pensé. L'argument est convaincant et Béatrice en ressent bien la justesse. Je lui demande alors ce qu'elle pense de sa maîtresse. - "Elle est très sévère, dit-elle, mais je l'aime bien."

- À mon avis, il pourrait s'agir de ta maman.

Je sais déjà qu'elle est très sévère. Là, depuis qu'elle est au courant, elle s'inquiète pour sa fille, lui a demandé de tout lui raconter, et elle veut absolument la soigner, ce qui est confirmé par sa présence dans mon cabinet. Elle prend la parole.

- Je suis de très près le travail scolaire de mes enfants. Béatrice a beaucoup de mal à apprendre ses leçons. Il faut que je me gendarme, que je gronde ou que je punisse.

Je lui demande depuis quand. - "Depuis le CP", dit-elle. Cela cadre très bien avec le début de l'histoire, puisqu'elle avait six ans quand ça a commencé. Je lui relis le rêve : Elle a un trou dans la tête, suite aux agissements de son frère. Pas étonnant qu'elle ait des difficultés en classe, alors même qu'elle aime beaucoup l'école ! La maman est surprise de l'information donnée dans le rêve, et de sa gravité. Nous parlons un peu des conséquences possibles, sur le plan intellectuel, d'une violence sexuelle.

La thérapie. Puis, je propose à Béatrice de visualiser le trou dans son crâne. Elle le voit tout de suite, les yeux ouverts. Je lui dis de le laver et de le soigner. Elle le fait facilement et met un pansement. Je lui suggère plutôt de faire repousser l'os, afin de réparer et de guérir la blessure. Elle le fait virtuellement en quelques secondes. -"C'est bon, dit-elle. Tout est normal." Elle ajoute qu'elle se sent beaucoup mieux : La prise de conscience et la compréhension du message l'ont réellement rendue apte à soigner et à guérir sa blessure psychique. Je fais l'hypothèse que ses difficultés pour retenir ses leçons vont être réduites et peut-être même disparaître. C'est à vérifier.

À la séance suivante, elle m'informe victorieusement qu'elle apprend maintenant facilement ses leçons. -"J'ai refait la visualisation, dit-elle. Le trou était revenu, je l'ai réparé. Je l'ai fait deux fois et depuis, tout va bien !"

La maman confirme et ajoute que Béatrice s'exprime davantage, qu'elle est plus ouverte qu'avant. La fillette ajoute que même sa prof de danse l'a trouvée changée. Bref, tout semble aller bien.

J'ai téléphoné récemment - un an après - pour demander l'autorisation de mettre son rêve sur internet. J'ai eu Béatrice elle-même, qui m'a dit que tout allait bien : Elle n'a plus aucune difficulté sur le plan scolaire !

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