L'ÂGE DU CHRIST

Exégèse et explication de texte

Préambule.

Je ne crois pas que ce sujet soit essentiel. En effet, quelle importance ? La tradition veut qu'il ait enseigné pendant trois ans, et qu'il ait été crucifié à l'âge de 33 ans. Il y a de cela 2000 ans, et la seule chose qui compte vraiment, c'est le message qu'il nous a laissé.

Mon but n'est donc pas de prouver quoi que ce soit, mais plutôt de montrer qu'une lecture différente peut être faite, qui peut donner un résultat tout à fait acceptable. Ce dossier est en fait directement lié au Petit Caillou (Février 2004), qui proposait d'autres hypothèses de compréhension des Textes Sacrés. J'en ai déjà exposé de nombreuses autres dans les dossiers précédents et dans le lexique. Mais ici, il s'agit de la vie terrestre de Jésus, ce qui est beaucoup plus délicat.

Je rappelle tout d'abord que sa naissance aurait eu lieu, selon les historiens, 5 ou 6 ans avant... lui-même, puisque Hérode, cité comme le tyran en poste à ce moment-là, mourut en 4 avant J-C. Cela est aujourd'hui connu, et accepté comme une petite erreur de datation, en ce qui concerne le début de notre ère.

Par ailleurs, je tiens à faire une différence entre l'homme Jésus, et le Christ qui, pour moi, est une instance intérieure, que j'appellerai son âme, et que chaque être humain possède aussi. Notre âme n'a pas d'âge : Elle est éternelle, car d'essence divine. En fait, elle serait notre identité véritable, dont le symbole religieux le plus connu est Dieu. Jésus est un bel exemple de ce que l'homme est appelé à réaliser sur terre, dans sa dimension physique : l'union entre son âme divine et son identité consciente humaine.

Cela découle de l'hypothèse suivante : Si le diable est le symbole de notre ego, Dieu est aussi un symbole, celui de notre âme. Ces symboles sont vivants et construisent toute notre vie intérieure.

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L'exégèse traditionnelle affirme que Jésus avait 30 ans au début de son ministère.

C'est possible. Mais certains éléments peuvent nous renseigner, qui n'ont jamais été considérés comme des indices sur ce sujet. Il y a deux textes, dans l'Evangile de Jean, qui sont pourtant intéressants.

Le premier fait suite à la colère de Jésus, chassant les marchands du Temple. (Jean, 2. 17-22) : "Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit : Le zèle de ta maison me dévore. Les Juifs, prenant la parole, lui dirent : Quel miracle nous montres-tu, pour agir de la sorte? Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours, je le relèverai. Les Juifs dirent : Il a fallu 46 ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours, tu le relèveras ! Mais il parlait du temple de son corps."

Le temple serait donc le corps de Jésus. Par conséquent, le texte nous dit qu'il a 46 ans. L'équivalence est donnée comme une explication. Si on accepte cette approche, on comprend que tout le passage est probablement intérieur. Le zèle de la maison de Dieu est sans doute plus psychique que géographique, on peut le supposer. Paul a dit : "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ?" Chaque être humain porte en lui son Dieu intérieur, sa propre âme. Jésus en avait conscience, et c'est en vertu de cette connaissance qu'il a pu chasser son propre ego (les vendeurs du temple) de sa maison intérieure, pour y installer son Christ sauveur.

Note. D'après les historiens, le temple fut bâti par Hérode le Grand en 18 avant Jésus-Christ, et sa construction dura 18 ans... Comme souvent, l'histoire remet en cause les Ecritures, et il n'y a pas d'issue, tant qu'on s'accroche au fait historique. Si on le lâche, tout devient immédiatement différent.

En effet, cet épisode ressemble à un rêve, un de ces rêves forts, intenses, dans lesquels l'être humain accède à sa vérité intérieure, avec des indices clairs. Les chiffres font souvent référence à l'âge ou à la date de naissance. Ici, j'ai choisi le premier cas. Ceci dit, cela ne signifie pas que le plan extérieur soit faux. Certes, Jésus a peut-être effectivement expulsé les changeurs et les vendeurs de la synagogue. De nombreux rêves utilisent une situation vécue (c'est le contenu manifeste), afin de délivrer un message concernant uniquement le plan intérieur. Ce plan intérieur me paraît infiniment plus profond, parce qu'il nous enseigne que Jésus était un homme, et qu'il a dû lui aussi se battre contre son ennemi intérieur, cet ego capable de nous détruire, qu'on s'appelle Jésus, Abraham, Sidharta Gautama ou Monsieur Tout-le-monde. Du coup, il me semble que cela nous ouvre une voie : Ce qu'il a fait, nous aussi, nous pouvons le faire... C'est du reste, ce qu'il nous a demandé.

A ce sujet, je voudrais simplement ajouter que personne n'a jamais mis en doute le fait que Jésus ait réellement chassé les vendeurs du temple. Voici le texte (Jean 2. 13) :

"La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis. Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les boeufs ; il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables ; et il dit aux vendeurs de pigeons : Ôtez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic."

Si on considère cet événement du point de vue de l'histoire, cela n'est pourtant pas évident. Le régime de Pilate était une dictature, et le pouvoir sacerdotal était une puissance tout aussi oppressive. Qu'un homme seul ait réussi à mener à bien une entreprise de cette envergure, sans être arrêté dans les minutes suivantes, soit par les Pharisiens, soit par les soldats romains, relève du miracle. Certes, cela n'est pas impossible, et je ne peux prouver ce que je propose. Mais il est peut-être tout aussi raisonnable de penser que Jésus, ulcéré par les marchandages qui avaient lieu dans le temple, et impuissant à les arrêter, reçut en rêve une mise en scène de ce qu'il aurait souhaité faire dehors, mais qu'il ne pouvait et ne devait faire que dedans. Son rêve lui disait alors : Chasse ton ego du temple de ton âme, car c'est lui qui te pousse à vouloir le faire vraiment sur le plan extérieur. Si tu lui obéis, cela suffira à te détourner des vrais besoins de ton âme. Car tu ne peux pas contrôler le monde extérieur, mais tu dois contrôler ton monde intérieur.

Cette traduction est en complète harmonie avec l'affirmation de Paul, selon laquelle chaque être humain est un temple, le temple de Dieu, c'est-à-dire de sa propre âme divine et immortelle. Aucun prêtre ne peut me contredire là-dessus. Et je rappelle que c'est Jésus lui-même qui a repris cette parole de l'Ancien Testament : "Vous êtes des Dieux." (Jean 10. 34) et (Ps 82. 06)

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Voici ce que dit le second passage (Jean, 8. 57-59) : "Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu'il verrait mon jour : il l'a vu et il s'est réjoui. Les Juifs lui dirent : Tu n'as pas encore 50 ans, et tu as vu Abraham ! Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, je suis. Là-dessus, ils prirent des pierres pour les jeter contre lui ; mais Jésus se cacha et sortit du temple.

Ma remarque est simple : On ne dit pas à quelqu'un de 30 ans qu'il n'en a pas encore 50. Les deux extraits se complètent donc parfaitement.

L'homme-Jésus avait donc peut-être 46 ans, mais c'est son âme (son Christ intérieur) qui est immortelle (le terme 'Yahvé' évoque le verbe être au passé, présent et futur : Je fus, Je suis, Je serai ). C'est pourquoi on l'appelle aussi l'Eternel, qui est bien entendu la particularité de notre âme immortelle - dans le cas où cette dimension-là existe réellement. C'est la question de base, l'existence de Dieu, que personne n'a jamais pu prouver (ni dans un sens, ni dans l'autre). Ce n'est pas du tout mon propos, car toute conviction est respectable, à partir du moment où elle respecte la conviction contraire. L'intolérance religieuse est malheureusement très répandue dans le monde. C'est ce qui me fait dire aussi que l'ego est à la base de la plupart des croyances.

Revenons au texte. Abraham est un symbole : Il est ce Père auquel les Juifs se réfèrent, ce Père auquel les Chrétiens adressent leurs prières, ce Père avec lequel Jésus disait être réuni ("Le Père et moi sommes Un"). Chacun de nous peut s'identifier à son âme (=Qui-je-suis-vraiment) ou à son ego (=Qui-je-ne-suis-pas). Pour réaliser cela, il est indispensable de faire naître en soi cette identité divine, sous la forme d'un enfant psychique. Abraham l'a fait. Sarah, sa femme, avait 90 ans et lui, 100 ans, lorsque Isaac est né. Et il a tressailli de joie, certes, en voyant "son jour", ce jour qui fait toujours référence à une prise de conscience. Cela explique l'expression, commune à tous les patriarches : "Il mourut rassasié de jours". Mourir en pleine conscience, c'est quitter son corps en étant pleinement humain, et en sachant que sa véritable identité est psychique et d'essence divine. Cela élimine probablement toute peur de la mort, car celui qui meurt, à ce moment-là, c'est l'ego. Si ce n'est pas déjà fait...

 

Jésus aussi, comme Abraham, a réussi à faire naître son Christ intérieur : Cela nous est relaté comme un événement historique, la naissance d'un enfant sans intervention sexuelle, fêtée à chaque Noël. Et on oublie toujours que cet événement a été annoncé dans un rêve. Beaucoup d'êtres humains ont fait ce rêve de naissance, qui n'a aucune répercussion sur le plan extérieur, mais dont la vérité profonde les touche souvent intensément, sans qu'ils en comprennent le véritable sens.

Dans Conversations avec Dieu, le dialogue est établi entre un être humain... et son âme divine, qui se présente donc comme étant Dieu. Si on lit bien le texte, on comprend que cette âme utilise le terme 'Dieu' comme un symbole pertinent, et en même temps tout à fait accessible à chaque être humain. Effectivement, si le seul Dieu auquel chacun doit se référer est sa propre âme, bien des difficultés disparaissent d'elles-mêmes... Et le chemin devient bien plus court !

On peut faire un parallèle entre les 46 ans du temple et les 648 vies de Neale Donald Walsch. Dans le tome 1 des CAD, il dit avoir 49 ans. C'est tellement proche de 48, que je fais l'hypothèse d'une traduction possible concernant uniquement cette vie-ci : Tu as 48/49 ans, cesse d'être inconscient (le SIX) de toi-même, de ta véritable identité, de Qui-tu-es-vraiment... c'est-à-dire de Moi.

Nos rêves sont en effet écrits dans cette langue symbolique, qui emploie souvent une mesure différente pour parler d'un problème précis et parfaitement connu du rêveur. 76 Kilomètres ou Euros, peuvent évoquer 1976 (année de naissance ou de mort d'un proche), 76 ans (âge du rêveur ou d'un proche), ou 76 kilos (son poids, souvent lié à son ego, qui 'bouffe' et le bouffe, sans se préoccuper de ses véritables besoins).

Je crois (mais cela n'engage que moi) que toutes les religions ont confondu le plan extérieur (le monde terrestre, matériel), avec le plan intérieur (notre monde psychique, invisible et individuel, unique pour chacun d'entre nous). L'erreur était facile et même obligatoire. Comprendre ses rêves me paraît être la voie royale pour en sortir. Alors, les Grands Dieux de toutes les religions tomberont avec l'ego qui s'abrite derrière eux, et chacun pourra enfin se connecter avec sa propre âme, son Dieu intérieur, ce qui débouchera sur une humanité capable d'évacuer toute trace de barbarie animale.

Cette confusion est évidente dans le texte de Jean : Les Juifs sont ulcérés de l'arrogance de Jésus : "Tu as vu Abraham !" Et ils ont raison, s'il s'agit de l'homme-Jésus. Mais qui parle ? Selon mon analyse, il faut dissocier le plan extérieur (l'homme-charnel) du plan intérieur (son temple psychique) où s'affrontent son ego et son âme-Christ. Sur le plan extérieur, la réaction des Juifs est tout à fait légitime et saine. Mettons-nous à leur place. Aujourd'hui, nous penserions : "C'est un allumé" et nous aurions raison. Tous ceux qui ont vu partir un de leurs proches dans une secte savent que c'est une réaction juste. C'est pourquoi, seul le plan intérieur peut sauver ce texte. En effet, dans ce cas, il s'agit d'un rêve, et c'est l'ego de Jésus qui cherche à le déstabiliser. C'est l'explication que je préfère, à cause du verset 59 :

"Ils prirent des pierres pour les jeter contre lui, mais Jésus se cacha et il sortit du temple."

En effet, il n'y a pas de pierres dans un temple, et je ne vois pas très bien où Jésus aurait pu se cacher. Le texte dit bien qu'il est sorti après. En revanche, dans un rêve, tout est possible. C'est alors son âme-Christ qui se cache et qui le quitte, parce que son ego réussit à faire douter l'homme-Jésus. De plus, la pierre est un symbole de l'ego, qui cherche à lapider l'être humain, ou à lui jeter la pierre, selon l'expression connue, (c-à-d à le juger et le condamner). Cette pratique est encore utilisée dans la Charia musulmane, et elle est en quelque sorte la preuve du pouvoir de l'ego dans un groupe humain qui le laisse interpréter les Ecritures à la lettre.

A mon avis, il ne peut y avoir d'exégèse logique, sans explication de texte. C'est cette approche spécifiquement littéraire qui permet de remarquer les mots, les expressions, le vocabulaire familier, qui font du sens (lié au simple bon sens), en recadrant le texte dans un vécu possible, proche de nous et de nos problèmes humains. L'autre élément indispensable est bien entendu la valeur symbolique des mots, liée au plan intérieur, celui de l'âme en lutte avec l'ego.

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Pour conclure.

Ce dossier est une démonstration de ce que peut donner l'alliance de ces deux outils. Cela peut plaire ou déplaire. C'est juste un éclairage différent, qui ne cherche pas à s'imposer comme une vérité. Il s'inscrit simplement dans le cadre d'une approche nouvelle des textes anciens. Je ne me ferais certes pas brûler vive pour défendre cette thèse. Après tout, je n'y étais pas, et je ne suis sûre de rien. Mais, puisque l'approche traditionnelle n'a manifestement pas donné les résultats escomptés, pourquoi ne pas essayer de lire les Ecritures selon ces critères-là, afin de voir si cela donne de meilleurs résultats ?

 

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